vendredi 24 juin 2016

Bois Clausade - du 25 juin au 2 juillet 1916.

Du 25 juin au 2 juillet 1916 : Bois Clausade.
 
 
   25 juin – Nous voici arrivés à Clausade. Il y cogne bien moins que la dernière fois où nous y étions. C’est calme comme tout, c’est peut-être le prélude d’une attaque boche.
   26 juin – Boum ! Une tuile ! Dans la division, les permissions sont suspendues jusqu’à Nouvel Ordre ! Comme j’ai bien fait d’en profiter ! Allons, j’ai encore un peu de veine. C’est certainement le prélude de la fameuse attaque anglaise en Somme !
   30 juin – ça chauffe aujourd’hui – tout le monde alerté. Le 251 veut prendre un petit poste boche, aussi bombardement intense. Notre artillerie n’arrête pas. Nous, nous sommes dans nos abris tout équipés, prêts à toute occasion. 2 Heures 35 soir – la porte de l’abri s’ouvre en coup de vent. Le caporal Auprêtre (6e escouade) m’annonce que deux de nos hommes sont blessés. Un obus boche est tombé à l’entrée de leur abri. Alors brancardiers [illisible] poste de secours etc. … Un, un vieux gars, Geay est blessé au rein, côté droit, d’un éclat. Cela n’a pas l’air d’être très grave – l’autre Coudert un Chatillonnais, bon garçon, un peu bavard, est blessé au bras gauche par trois petits éclats. Oh ! vilaine guerre et vivement la fin !
   1er juillet – De service ou de corvée ! Rien de bien neuf, cela gronde au bois du côté de Soissons.
   6 juillet : Ici se termine le N° 4 des Tranchées.
   C’est maintenant le Peloton des E.O.A.T. [École des Officiers de l’Armée de Terre] qui commence.

jeudi 16 juin 2016

Butte de l'Edmond - du 17 au 24 juin 1916.

Du 17 au 24 juin 1916 : Butte de l'Edmond.
   17 juin – Nous voici encore dans un nouveau cantonnement (Butte de l’Edmond) tranchées nouvelles ; boyaux tortueux, pleins de sable. Ce n’est pas le rêve ! Nous habitons d’énormes sapes. Nous en habitons une qui est à dix mètres sous terre et qui contient soixante-quinze places. Nous y sommes au large. Les boches sont à 400 mètres de nous. Nous les voyons cependant à l’heure de la soupe passer au-dessus d’un talus, le fond de la tranchée étant inondé. Nous prenons nos avant-postes tout à fait sur la berge d’une route, celle de Pontavert à Corbeny, exactement à la croix « X ». Il y a longtemps que je n’avais marché sur une route. Cela m’a semblé tout drôle.

   18 juin – La canonnade est moins intense et étant de travail ce soir, nettoyage d’un boyau - (Rabat) qu’il s’appelle - j’en ai profité à 11 heures du soir pour aller avec le lieutenant Changeur visiter la ferme du temple. Pauvre ferme, jamais je n’ai vu une désolation pareille. Au centre de la cour, un tas de crânes, d’os, de ferrailles… entre lesquels a poussé une herbe, drue, verte, dépassant ma hauteur. Les murs, ce sont des ruines. Les carreaux en mosaïque de la cuisine sont criblés d’obus. Les derniers sont tombés à cet endroit à 0 m50 les uns des autres. De l’escalier, la charpente seule reste. Ici un placard effondré, là trois ou quatre sacs de soldats français, ailleurs deux bidons boches transformés en écumoire. Dans une sorte de jardin anglais situé au Nord, j’ai remarqué deux caissons d’artillerie totalement dans l’herbe ; quatre cadavres de chevaux desséchés gisaient et servaient de nourriture à cette végétation luxuriante et forcée. On ne peut s’imaginer quelles émotions on ressent à voir ces ruines, ces cadavres, ces rouleaux, ces charrues brisées, ces arbres déchiquetés, et ce, surtout en plein clair de lune, lorsque vous entendez à cent mètres, le crépitement de la fusillade des premières lignes.
Ferme du Temple, avant la Grande Guerre
 
   19 juin – Notre lieutenant commandant la Cie est arrivé. Alors plus de repos ni trêve, des corvées et des corvées !
 
   21 juin – Rien de saillant. Si oh ! Je l’oubliais ! Une note au rapport prévient quatre commandants de Cie de proposer des sous officiers, caporaux, soldats, pour un peloton de trois mois en vue de faire des officiers pour la réserve d’active : prendre profession libérales, gens instruits, etc. …
   Il est compréhensible que ceci tombe sur moi, aussi suis-je inscrit d’office, en tant qu’instituteur. Enfin comme il se murmure étonnamment que les quatre dernières classes vont passer dans les réserves incessamment, je n’en suis pas du tout fâché.
   22 juin – Toujours chez M. Edmond [Butte de l’Edmond] qui nous offre une large hospitalité de taupe ; hier, j’étais de corvée de nuit, boyaux à réparer. Nous avons trouvé des boches enfouis, c’est macabre.
   23 juin – Nous retournerons sous peu à Clausade – les adjudants sont partis en reconnaissance.
   Les boches sont récalcitrants et couvrent Styrn de fusants nombreux. Enfin laissons-les faire !
 
   24 juin – Nous nous préparons pour aller à Clausade. Oh ! vivement la fin de tous ces changements-là !

lundi 13 juin 2016

Ouvrage 10 - du 12 au 16 juin 1916

Du 12 au 16 juin 1916 : "Ouvrage 10".
 
 
   12 juin – Nous voici arrivés à l’ouvrage 10 Beau Marais. Oh ! Que c’est bon de se déchausser et de pouvoir se reposer tranquille.
 
   13 juin – Quelle bonne douche, que cela fait du bien la grande eau bien claire, bien limpide et comme cela repose. Je vais à Pontavert chercher une paire de chaussures et ce soir, je me rendrai à la coopérative.

   14 juin – Quelle tranquillité. Le lieutenant commandant étant parti en permission, je suis invité par le lieutenant Changeur à aller faire un tour à l’Equerre et à Styrn. Rien de nouveau – je suis invité à sa table. Je m’en tire, on s’en tire toujours à table !

   15 juin – Je sors probablement de faire une blague. Tant pis, on en fait à tout âge. J’ai acheté le Kodack du Lt [lieutenant] Ledieu – enfin tant pis. Je vais aller faire un tour à Pontavert et reviendrai me coucher.
 
   Passe au Bois Styrn.
 
   16 juin – Je suis allé faire un grand tour dans Beau-Marais ! Quelle belle promenade ! J’ai cherché des fleurs pour ce que j’ai de plus cher, je n’ai pu rien trouver. J’ai écrit ensuite une longue lettre, puis après, la soupe, bing ! Une tuile. Lecture du rapport ! Le sergent Hénault remplacera le sergent Lafontaine au bois Styrn à midi !
   Douche ! Enfin, dare-dare ! Le dîner bâclé, le sac bouclé et en avant ! Il fait soleil, quel beau temps, si cela pouvait continuer. Oh ! Vivement la fin !

 

samedi 4 juin 2016

Bois en Equerre - du 5 au 11 juin 1916.

   Albert Hénault a bénéficié d'une permission.
   Période qui l'a éloigné, un temps, de sa condition de Poilu.
   Son récit, qui s'est arrêté à la date du 22 mai, reprend à celle du 5 juin.

Du 8 au 11 juin 1916 : Bois en Equerre.

   5 juin – La permission est finie, ça n’a été qu’un rêve. Un éclair furtif sillonnant une vie.
   Nous voici revenus dans notre fameux bois de Beau-Marais !
   Maintenant c’est le bois en équerre en face la Sapinière et le bois Styrn. Je suis de quart de minuit à quatre heures.
 
 
   6 juin – Rien d’intéressant. Ces sales boches tirent sur nos boyaux. Il est vrai que c’est l’heure des corvées de soupe. Oh ! Guerre maudite faite avec le plus possible de carnages et de rages. Civilisation, où es tu ? Il pleut à verse. Les tranchées pleines d’eau boueuse et jaunâtre vous retiennent.

   7 juin – 2 heures matin. Je suis de quart. Je viens de visiter les sentinelles. Tout est calme. Cependant trois obus boches viennent de s’aplatir sur la sapinière.

   8 juin – Les boches hier n’ont pas été ce qu’il y a de plus calmes. Ils nous ont lancé un certain nombre d’obus. Ils nous imitent maintenant – ils font, comme nous, des salves de surprise, au moment où tout est calme, ils vous déclenchent un tir rapide de dix obus, fusants ou percutants sans crier gare. C’est plus traître car vous n’avez pas le temps de vous cacher.
    Il continue aujourd’hui de pleuvoir. La tranchée est de plus en plus sale et fangeuse. 

   8 juin : de l’eau toute la journée, quels boyaux, quelles tranchées ! C’est la misère !

   9 juin – Le temps pluvieux du matin a fait place à un beau soleil.

   10 juin – Je viens de faire un tour aux sentinelles. Il est une heure du matin.

   11 juin –Il va faire beau, la nuit est calme. Nous quittons ce soir notre Bois à l’Equerre. Nous pourrons au moins nous déchausser. C’est appréciable !