17 juin – Nous voici encore dans un nouveau cantonnement (Butte
de l’Edmond) tranchées nouvelles ; boyaux tortueux, pleins de sable. Ce
n’est pas le rêve ! Nous habitons d’énormes sapes. Nous en habitons une
qui est à dix mètres sous terre et qui contient soixante-quinze places. Nous y sommes
au large. Les boches sont à 400 mètres de nous. Nous les voyons cependant à
l’heure de la soupe passer au-dessus d’un talus, le fond de la tranchée étant
inondé. Nous prenons nos avant-postes tout à fait sur la berge d’une route,
celle de Pontavert à Corbeny, exactement à la croix « X ». Il
y a longtemps que je n’avais marché sur une route. Cela m’a semblé tout drôle.
18 juin – La canonnade est moins intense et étant de travail ce
soir, nettoyage d’un boyau - (Rabat) qu’il s’appelle - j’en ai profité à 11
heures du soir pour aller avec le lieutenant Changeur visiter la ferme du temple. Pauvre ferme,
jamais je n’ai vu une désolation pareille. Au centre de la cour, un tas de
crânes, d’os, de ferrailles… entre lesquels a poussé une herbe, drue, verte,
dépassant ma hauteur. Les murs, ce sont des ruines. Les carreaux en mosaïque de
la cuisine sont criblés d’obus. Les derniers sont tombés à cet endroit à 0 m50
les uns des autres. De l’escalier, la charpente seule reste. Ici un placard effondré,
là trois ou quatre sacs de soldats français, ailleurs deux bidons boches
transformés en écumoire. Dans une sorte de jardin anglais situé au Nord, j’ai
remarqué deux caissons d’artillerie totalement dans l’herbe ; quatre
cadavres de chevaux desséchés gisaient et servaient de nourriture à cette
végétation luxuriante et forcée. On ne peut s’imaginer quelles émotions on
ressent à voir ces ruines, ces cadavres, ces rouleaux, ces charrues brisées,
ces arbres déchiquetés, et ce, surtout en plein clair de lune, lorsque vous
entendez à cent mètres, le crépitement de la fusillade des premières lignes.
Ferme du Temple, avant la Grande Guerre
19 juin – Notre lieutenant commandant la Cie est
arrivé. Alors plus de repos ni trêve, des corvées et des corvées !
21 juin – Rien de saillant. Si oh ! Je l’oubliais !
Une note au rapport prévient quatre commandants de Cie de proposer
des sous officiers, caporaux, soldats, pour un peloton de trois mois en vue de
faire des officiers pour la réserve d’active : prendre profession
libérales, gens instruits, etc. …
Il est compréhensible que ceci tombe sur moi, aussi suis-je
inscrit d’office, en tant qu’instituteur. Enfin comme il se murmure étonnamment
que les quatre dernières classes vont passer dans les réserves incessamment, je
n’en suis pas du tout fâché.
22 juin – Toujours chez M. Edmond [Butte de l’Edmond] qui nous
offre une large hospitalité de taupe ; hier, j’étais de corvée de nuit,
boyaux à réparer. Nous avons trouvé des boches enfouis,
c’est macabre.
23 juin – Nous retournerons sous peu à Clausade – les adjudants
sont partis en reconnaissance.
Les boches sont récalcitrants et couvrent Styrn de fusants
nombreux. Enfin laissons-les faire !
24 juin – Nous nous préparons pour aller à Clausade. Oh !
vivement la fin de tous ces changements-là !
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