jeudi 16 juin 2016

Butte de l'Edmond - du 17 au 24 juin 1916.

Du 17 au 24 juin 1916 : Butte de l'Edmond.
   17 juin – Nous voici encore dans un nouveau cantonnement (Butte de l’Edmond) tranchées nouvelles ; boyaux tortueux, pleins de sable. Ce n’est pas le rêve ! Nous habitons d’énormes sapes. Nous en habitons une qui est à dix mètres sous terre et qui contient soixante-quinze places. Nous y sommes au large. Les boches sont à 400 mètres de nous. Nous les voyons cependant à l’heure de la soupe passer au-dessus d’un talus, le fond de la tranchée étant inondé. Nous prenons nos avant-postes tout à fait sur la berge d’une route, celle de Pontavert à Corbeny, exactement à la croix « X ». Il y a longtemps que je n’avais marché sur une route. Cela m’a semblé tout drôle.

   18 juin – La canonnade est moins intense et étant de travail ce soir, nettoyage d’un boyau - (Rabat) qu’il s’appelle - j’en ai profité à 11 heures du soir pour aller avec le lieutenant Changeur visiter la ferme du temple. Pauvre ferme, jamais je n’ai vu une désolation pareille. Au centre de la cour, un tas de crânes, d’os, de ferrailles… entre lesquels a poussé une herbe, drue, verte, dépassant ma hauteur. Les murs, ce sont des ruines. Les carreaux en mosaïque de la cuisine sont criblés d’obus. Les derniers sont tombés à cet endroit à 0 m50 les uns des autres. De l’escalier, la charpente seule reste. Ici un placard effondré, là trois ou quatre sacs de soldats français, ailleurs deux bidons boches transformés en écumoire. Dans une sorte de jardin anglais situé au Nord, j’ai remarqué deux caissons d’artillerie totalement dans l’herbe ; quatre cadavres de chevaux desséchés gisaient et servaient de nourriture à cette végétation luxuriante et forcée. On ne peut s’imaginer quelles émotions on ressent à voir ces ruines, ces cadavres, ces rouleaux, ces charrues brisées, ces arbres déchiquetés, et ce, surtout en plein clair de lune, lorsque vous entendez à cent mètres, le crépitement de la fusillade des premières lignes.
Ferme du Temple, avant la Grande Guerre
 
   19 juin – Notre lieutenant commandant la Cie est arrivé. Alors plus de repos ni trêve, des corvées et des corvées !
 
   21 juin – Rien de saillant. Si oh ! Je l’oubliais ! Une note au rapport prévient quatre commandants de Cie de proposer des sous officiers, caporaux, soldats, pour un peloton de trois mois en vue de faire des officiers pour la réserve d’active : prendre profession libérales, gens instruits, etc. …
   Il est compréhensible que ceci tombe sur moi, aussi suis-je inscrit d’office, en tant qu’instituteur. Enfin comme il se murmure étonnamment que les quatre dernières classes vont passer dans les réserves incessamment, je n’en suis pas du tout fâché.
   22 juin – Toujours chez M. Edmond [Butte de l’Edmond] qui nous offre une large hospitalité de taupe ; hier, j’étais de corvée de nuit, boyaux à réparer. Nous avons trouvé des boches enfouis, c’est macabre.
   23 juin – Nous retournerons sous peu à Clausade – les adjudants sont partis en reconnaissance.
   Les boches sont récalcitrants et couvrent Styrn de fusants nombreux. Enfin laissons-les faire !
 
   24 juin – Nous nous préparons pour aller à Clausade. Oh ! vivement la fin de tous ces changements-là !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les auteurs se réservent le droit de supprimer tout commentaire qui ne soit pas en rapport avec le sujet.