lundi 23 mai 2016

Bois au Muguet (Ouvrage 11) - du 18 au 22 mai 1916.

   Du 18 au 22 mai 1916 : Bois au Muguet (ouvrage 11).

   18 mai – Il fait soleil. Nous quittons ce soir l’ouvrage Desaix et allons retrouver notre fameux ouvrage 11 à Beau-Marais. Deux jours de repos bien gagnés.
 
   19 mai – Nous y voici dans notre bois au muguet. Nous y arrivons à trois heures du matin, un peu fatigués. Nous avons subi quelques coups de mitrailleuses, mais sans mal heureusement.
 
   20 mai – Aujourd’hui repos. Les bains-douche font du bien ! Les boches arrosent un peu partout d’obus, enfin patience !
 
   21 mai – Nous allons prendre encore la tranchée à cette fameuse Sapinière pour huit jours. Je crois véritablement que la 11e Cie est bonne pour cela. Enfin passons ! Nous avons un lieutenant comme commandant de Cie, il faut bien lui faire gagner son troisième galon.
 
   22 mai – Je suis de corvée avec vingt hommes ; ils n’ont pas l’air de s’en faire. Il s’agit de  combler des anciens abris, par un temps orageux et malade.
   Les permissionnaires de Paris sont arrivés. Nous attendons le retour des autres pour partir. Oh ! Vivement ! Depuis le 23 août de l’an dernier, c’est un peu long ! Tout vient à point qui sait attendre !!

Ouvrage Desaix - 15 au 17 mai 1916.

    Du 15 au 17 mai 1916 : Ouvrage Desaix.
 
 
  15 mai - 7 heures [du] soir – Un ordre de relève arrive. A 8 heures du soir nous devons [occuper] ma ½ section à moi [l’ouvrage] Desaix. Alors remue-ménage, fabrication des sacs etc.
 
   16 mai – Nous voici dans notre nouveau fortin à deux cents mètres environ de la Pêcherie. Nous sommes en seconde ligne. Ce n’est pas le rêve, les balles sifflent plus nombreuses qu’en première. Les torpilles aussi se font entendre mais ne viennent pas jusqu’à nous, heureusement. Nous sommes à l’angle sud-est du bois Marteau.
 
   16 mai - soir 9 heures [21 h.] - les boches ne sont pas gentils ce soir : il y a une bonne heure qu’ils nous torpillent. J’ai bien peur d’une attaque boche. Nous serons aux premières places. A 21 heures 30 une fusillade. Les boches tirent sur mes travailleurs. Enfin il n’y a aucun mal. A 22 heures le calme renaît. Ce n’était qu’une fausse alerte.
 
   17 mai – Le temps est beau. Dès 4 heures du matin, les Fokkers sillonnent les nuages. Le calme continue cependant. Nos remplaçants sont venus prendre les consignes pour la relève de demain. Nous allons retourner au bois du Muguet où nous serons plus tranquilles.

vendredi 13 mai 2016

Secteur de La Miette - 11 au 15 mai 1916.

 
Du 11 au 15 mai 1916 : secteur de La Miette.
 
   11 mai – Nous voici arrivés à notre nouveau poste. Nous gardons un ouvrage de première ligne avec une section de mitrailleuses du 204, une section d’infanterie 96e d’active, une section de territoriale. Nous voici redevenus régiments actifs – véritablement, c’est à n’y pas croire.
   Ce fameux secteur de la Miette a l’air d’être tranquille, les boches ne tirent pas et nous non plus. L’ouvrage que nous gardons est un fortin, les boches l’entourent sur trois côtés. Nos premières lignes sont à l’ouest, à 80 mètres des tranchées contournables à l’est à 250 mètres. A l’est de nous, se détachent la ferme du Choléra et à 3 km de nous, dans la même direction, Berry-au-Bac. A l’ouest, c’est le bois franco-boche que nous avons enlevé le 25 avril dernier. Nous sommes si près que les marmites boches ne sont pas à craindre ; les balles sifflent de temps en temps. Il ne fait pas bon le jour s’aventurer sur les talus.
 
 
   12 mai – Nous avons de bons abris. Ce sont des sapes à sept ou huit mètres sous terre, en pleine craie.
   13 mai – Il pleut à verse. La tempête fait rage dehors. Les poilus veillent dans la tranchée. On entend de loin en loin des coups martelés de maillets. Les boches devant nous travaillent – il est 23 heures 30 -, rentrant de ronde, j’écris ces lignes. Quelle boue gluante. Quelle vase blanchâtre dans cette Champagne. Par les temps secs, nos tranchées sont d’une propreté excessive, de petites routes encaissées couvertes de poussière, mais par les temps pluvieux, quel cloaque ! On glisse à chaque pas, flaques d’eau, une boue tout à fait attachante qui ne vous lâche pas.
   14 – 15 mai – Toujours dans ce secteur en première ligne. Nous n’y sommes pas plus mal qu’ailleurs. Les boches travaillent de l’autre côté. Nous avons fait passer le courant électrique dans les fils barbelés en avant de nous, de 12 à 17 heures ; nos montres en ont été un peu victimes.
 

lundi 2 mai 2016

Bois Clausade - 5 au 10 mai 1916

   5 mai 1916 – Aujourd’hui quatre heures et demie du matin, départ à cinq pour visite d’un nouveau cantonnement – mauvaise impression – nous passons à Pontavert. Pauvre pays ! Nous visitons à Clausade nos nouveaux abris.
 
   Pauvre bois ! Quel cataclysme ! Ce n'est plus un bois, c'est un fouillis inextricable de branches cassées, de troncs d’arbres brisés. La végétation luxuriante de ce lieu ressort avec une peine infinie de ce chaos ! L’aspect du lieu est tout à fait désolant : terrain labouré d’obus, avec un air de dévastation touchant au cœur. L’air, l’atmosphère de ce coin sont aussi déconcertants. Le sifflement des obus et des balles, le craquement des arbres brisés, le crépitement des mitrailleuses se mêlant au bourdonnement fantastique des hannetons, les chants accordés et aigus des oiseaux font de cet endroit un enfer. Par intermittence, heureusement.
 
 
 
   Du 5 au 10 mai 1916 : Bois Clausade
 
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   Ce soir la canonnade est plus active. Enfin ! Chaque jour qui passe nous rapproche de 24 heures du but, qui est la paix !
   5 heures du soir, nous subissons une saute de vent ou plutôt un véritable cyclone. Les arbres traversés d’éclats d’obus et ne restant debout que par miracle, se brisent et tombent avec fracas. Une de nos « saucisses » [ballon captif d’observation] (celle de Ventelay) sous la rafale, casse son amarre et passe au-dessus de nous, à la dérive, droit chez les boches ! Ils jettent par-dessus bord tout ce qui est compromettant, ces pauvres aéronautes. Où vont-ils atterrir ? Et comment ? Mystère !
 
   6 mai – Préparatifs de départ pour le bois de Clausade. Ce n’est pas du tout le rêve. Nous y allons pour huit jours ; après nous serons relevés.
 
   7 mai – Nous voici à Clausade complètement prisonniers. Là, nous allons travailler et avons un secteur à garder. Le jour, il faut se serrer car les marmites boches ne sont pas rares. Nous y sommes pour huit jours, mais je voudrais bien les voir achevés.
 
   8 mai – Les boches - au moment où j’écris - envoient de grosses marmites ; il est 2 heures du soir [14 h.] ils nous ont laissé quelque répit hier et ce matin – Rien de neuf à part cela.
 
   9 mai – Ces sales boches sont aujourd’hui véritablement agaçants. Quel bombardement. Les marmites tombent à cinq mètres de nos cagnas, à sept ou huit minutes d’intervalle.
 
   10 mai – Un autre changement de direction. Nous quittons ce bois Clausade qui ne nous est pas du tout hospitalier et allons planter nos pénates au bois de la Miette. Il paraît que c’est plus tranquille, que le secteur est meilleur. Ce ne serait pas de trop.
 
   Nous faisons en ce moment des corvées au bois Franco-boche, ce n’est pas le rêve, enfin c’est la guerre !
 
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   Hier soir, il y a eu une canonnade intense sur le plateau de Vauclerc, face à Craonne ! Quel bombardement !