vendredi 16 décembre 2016

Le Bois en Equerre - du 17 au 31 décembre 1916.

Du 17 au 31 décembre 1916 :

Retour aux tranchées. Albert Hénault retrouve le Bois en Equerre.

(carte au 1/14.000 - réalisation Jacky Masselot)





   16 et 17 – Préparatifs et montée aux tranchées. Nous allons au Bois en Equerre. Moi, avec ma section séparée, je me tiens à l'ouvrage intermédiaire.
   Une demi section à l’intermédiaire, l’autre demi section à la butte de l’Edmond, là j’y retrouve mon ancienne 11ème Cie . Pauvre Compagnie, elle est bien changée. Ce ne sont plus les francs rires du début.

   18. 19 décembre – Travail de cantonniers, les caillebotis et les claies, nous allons savoir les poser, il faut cela cependant par ces temps de pluie.
  20 décembre – Ce matin, l’air est orageux. Les torpilles sur Verdun et le nez du boche ne cessent pas.

   21 au 30 décembre 1916 – Toujours dans la cagna de l'Intermédiaire.
Quel sale temps, que de pluie et que d’eau. Nous nous sommes réveillés un matin avec quatre centimètres d’eau, les poilus sont véritablement à plaindre. Ceux qui montent la garde aux tranchées n’ont plus figure humaine. Ce sont des pâtés de boue gluante et jaune qui se déplacent. Si les gens de l’arrière venaient un peu prendre leur place, ils ne leur diraient pas ensuite : « Quelle bonne mine vous avez ? ».

   Nous serons relevés probablement demain.


   Ce carnet clôt la liste des Carnets pour 1916. Puisse 1917 Nous amener la délivrance.
 

 

dimanche 11 décembre 2016

Concevreux - du 10 au 17 décembre 1916.


Du 10 au 17 décembre 1916 :
Au repos à Concevreux.

(source : Google Maps)


   10 décembre – Une sensation ou une émotion assez intense. Les boches nous envoient des torpilles, nous leur répondons par engins identiques. Une boche, six des nôtres. C’est assez chic. A un moment, tombe une torpille sur le nez du boche à 150 mètres de Villars où je me trouve. Fumée noire, blanche puis un boche projeté à 60 mètres en l’air. Je ne l’ai vu redescendre qu’en morceaux. De profondis ! Sale race ! La canonnade a duré de midi à quatre heures. Quatre mitrailleurs français ont été enterrés sous un abri. Veine inespérée : ils ont été sauvés sans mal aucun.

   Le communiqué du 10 en fait foi !

 

   La relève a lieu, nous gagnons Concevreux. Nous y arrivons à une heure du matin.

 

   Bonne chambre et bon lit, c’est le principal.

 

   11 décembre – Pouf, corvée : 14 km à faire, 7 à l’aller, 7 au retour et travail en plus. Quelle ondée ! Enfin après coups de téléphone et barouf à Roucy, nous attrapons Concevreux le soir à 5 heures. Mauvais jour !

   12 décembre – Aujourd’hui je goûte le bon lit et la bonne chambre. Qu’il fait bon se reposer après 21 jours de tranchées.

   13. 14. 15. – Les jours s’écoulent dans le calme. Corvées assez dures pour les hommes, enfin ayant la nuit pour eux, ils ne se plaignent pas trop.

   16 et 17 – Préparatifs et montée aux tranchées. Nous allons au bois à l’équerre. Moi, avec ma section séparée, je me tiens à l’ouvrage intermédiaire.

 

mercredi 9 novembre 2016

Butte de l'Edmond - du 11 novembre au 10 décembre 1916.

   Du 11 novembre au 10 décembre 1916 :
   De nouveau à la Butte de l'Edmond.

   Albert Hénault est à la 18ème Compagnie. Il retrouve les tranchées.

   Samedi 11 nov. – Quels préparatifs, cantines, colis, paquets ; ça n’en finit plus, il est onze heures. Nous n’avons aucun ordre du D.D. [Dépôt Divisionnaire], le colonel du 267 se demande déjà pourquoi nous ne sommes pas déjà arrivés. C’est bien l’armée. Enfin !

   Nous voici à 2 heures à Romain. 4 heures pour le ravitaillement. Nous rendons visite au Colonel à 7 heures du soir. Réception agréable peut-être, et nous voici arpentant nos boyaux pour notre nouvelle affectation.



   Santerre affecté à la 17e, moi à la 18e, Bonafoux à la 20e et Girier à l’État-major du 6e Bataillon. A 8 heures, je suis à la butte de l’Edmond, à l’endroit même que j’ai quitté le 7 juillet partant pour Père. Bizarrerie du sort !



   Je dîne avec le Commandant qui m’invite et est très gentil, puis re-départ pour ma nouvelle compagnie.


   Dimanche 12 novembre – Lever à 8 heures. Je n’ai pas eu chaud aux pieds, aussi me suis-je levé assez souvent. J’ai fait déjà tout le tour dans les boyaux, pour connaître le secteur. Ce n’est plus le dépôt, enfin, c’est la guerre.

   Lundi 13 novembre – Une nuit de passée, quart de minuit à 4 heures, nous avons reçu ordre de tirer beaucoup.

   Ce que nous avons fait. Les boches ont répondu, du tac au tac : un coup de fusil, réponse de leur part : au moins deux coups de feu.


Aucun écrit du 14 et le 30 novembre (semble avoir eu une permission).


   1er décembre 1916 – Quelques lacunes vont exister, forcément – le cafard étant tellement fort qu’il faut absolument tout le courage, toute l’énergie d’un poilu à 3 brisques* pour résister. A présent que les nerfs sont un peu d’aplomb, que les souvenirs de permissions sont moins vifs, je vais continuer ces mémoires.

 
* NOTA : 3 brisques = 3 chevrons, soit deux ans "Aux Armées", c'est-à-dire au front, la première brisque compte pour un an, les suivantes comptent pour six mois.


   Me voici, maintenant très peu loin de l’endroit où le brave capitaine de Bizemont est tombé à mes côtés, chaque jour, j’y passe. Je revis en mémoire ces courts instants, logiques entre tous. J’ai refait l’autre jour le voyage de la Sapinière à Pontavert. Comme c’est changé ! Quel calme en comparaison du 10 mars. Les haies de bruyère, des gabions, des routes, le petit tortillard réparé ! Ce n’est plus le Pontavert du temps de guerre. De braves territoriaux s’y baladent ; tout juste s’il n’y a pas de civils !
 
   Aujourd’hui quelque marmitage. Nous avons voulu faire des tirs de repérage. Les boches nous ont cognés dessus, sans mal heureusement. Un peu plus, c’étaient nous-mêmes qui nous suicidions. Les 75, trop courts, ont arrosé mon petit poste. Heureusement que les sentinelles n’étaient pas placées.

 

   2 décembre – Un exercice d’alerte est dans l’air. Préparation d’un coup de main ; quelle fumisterie ! On dirait qu’il y a trop de fantassins en ligne ! Il est vrai que les officiers supérieurs ont besoin de médailles ou d’honneurs, il faut bien que les poilus les leur gagnent. C’est leur raison d’être à eux. Pourquoi serait-on attaché à un bataillon ou à une brigade si nous n’avions pas d’ordres par ailleurs à donner. Les poilus iront visiter les boches et ces messieurs seront au téléphone ! « allo ! allo ! Le coup de main, réussi ? Pas de prisonniers boches ? Tant pis ! 2 blessés, 1 tué, dame, c’est la guerre ! Ce sont les risques ! » Pauvres pantins ! Tristes sires ! C’est indécent d’être conduits par vous ! La France doit être tombée bien bas pour avoir besoin de vos services. Un jour certainement viendra où, fatiguée de vous voir, de vous entendre, elle frémira avec rage, se hérissera de haine et vous laissera tomber, livides et inertes, vous rendant au néant que vous n’auriez jamais dû quitter. Ce sera justice !

   3 décembre – Une tuile ! Faire un exercice d’alerte dans les tranchées, ce n’est pas banal, alors rapport ! Paperasserie ! Que de belles choses on fait en ton nom !
   J’ai une contre-attaque à exécuter demain avec 19 hommes : reprendre 200 mètres de tranchées – quelle stupidité ! Qu’on nous reporte 15 km en arrière, et  faisons des exercices profitables. Mais ici, sous le nez des boches, allons donc ! Nous pouvons recevoir quelques torpilles inutilement, quelques joujoux malheureux et c’est tout – Résultats : Néant.

   4 décembre – La fameuse contre-attaque est faite. Pas d’incidents ni d’accidents : c’est le principal.

   5 décembre 1916 – Les boches torpillent à 1 contre 2. Leur faisons- nous mal, je ne le sais, mais ce qu’il y a de certain, c’est qu’en 5 jours, voici le bilan : mort : néant – blessés : 1 soldat du génie, 5 mitrailleurs, 3 hommes de la 17eme compagnie du 267. Pas si mal, ils peuvent en être fiers. Et le secteur est calme ! Que serait-ce s’il était agité !

   8 décembre – La pluie tombe à verse.

   9 décembre 1916 – Aujourd’hui le temps s’améliore et les boyaux de même. La relève a lieu demain par la 23ème Compagnie. Les officiers sont arrivés, pour reconnaître.
   Déjà 14 jours  passés là ! Où allons-nous être dirigés, nous n’en savons rien. Nous sommes les pantins, d’autres agitent et manœuvrent les ficelles. Qu’ils nous conduisent vivement à la fin de la guerre. Nous le leur demandons instamment.


Novembre 1916 - Novembre 2016 - Il y a 100 ans...
Deux vues de la Butte de l'Edmond, aujourd'hui.
Photos : Fred
Avec son aimable autorisation.








mercredi 19 octobre 2016

A l'arrière (Bourgogne) - du 19 octobre au 10 novembre 1916.

Du 19 octobre au 10 novembre 1916.
A l'arrière.

(si besoin, cliquez sur la photo pour l'agrandir)


  S'en est terminé du stage "Officier", et de la permission qui a suivi. Albert Hénault retourne aux tranchées. Il est désormais affecté au 267ème R.I. avec le grade de sous-lieutenant.

   19 octobre – Paris - 7 heures du matin. Seul, dans cette gare de l’Est. Enfin arrive 8 h 20. Le train s’ébranle. Le temps est gris, sale, pluvieux ; le train noir, maussade, sent le cafard comme tout. Il est lent, s’arrête partout, il est énervant. La pluie tombe à flots.

   20 octobre 1916 – Temps encore plus gris, pluie à torrents, les fossés regorgent d’eau et demandent grâce.

   21 octobre –Ouf,  ça y est ! Nous tenons l’affectation que nous cherchions depuis quatre jours. Moi 16e Cie, Santerre 20e.

   22 octobre – C’est fait. Chacun a sa case et chacun son plumard. Oh, rien d’extra mais enfin plus d’allées et venues. Sa chambre, ses affaires, son intérieur - quel grand mot pour une si petite chose-chambre de 2 m sur 2 m - enfin passons. Maintenant affectés, les officiers sont plus gentils. Plus cet air de dédain, cet air important. Cependant encore quelque chose, un je ne sais quoi, qui vous met un peu à part dans la catégorie des gens : « A désinfecter à l’arrivée » Drôle d’esprit, superbe comme abrutissement -la Su--rio-ri- de l’An-cien-ne- règne en maître ! Goujaterie !

   22 octobre – Hier, nous sommes allés à Fismes avec l’ami Santerre acheter des effets : couvertures et sacs de couchage. Quelle animation, quel entrain dans cette ville, beaucoup de boutiques ouvertes pour objets militaires. Je commence à concevoir que si la guerre nuit à beaucoup, elle en flatte et profite à un certain nombre, pas du tout négligeable.

   29 octobre 1916 – C’est dimanche. Repos sur toute la ligne. Aussi j’en profite pour aller rendre visite au colonel du 66 et à mon ancienne Compagnie qui se trouve à Pontavert. Après avoir averti le D.D. [Dépôt Divisionnaire] je pars pour les lignes par un temps affreux.
   Je passe à Roucy puis j’arrive à la passerelle de Pontavert ; rien de changé depuis que j’ai quitté le pays, tout est à la même place, une chose cependant me surprend, c’est l’agrandissement forcé du cimetière militaire. Tous les jours, des tombes nouvelles viennent s’ajouter aux anciennes, quelle horrible guerre ! Que de victimes il doit y avoir à Verdun ou en Somme !

   31 octobre – Le temps s’est remis au beau. La pluie a cessé et le vent s’est ralenti. Nous en profitons, Santerre et moi, pour faire une longue promenade. Nous allons d’abord au Nord de Bouvancourt sur le plateau d’où nous découvrons le plateau de Craonne, Craonnelle, le Choléra, les Buttes, tout cela étant encore en « bochénie » . Puis non contents, nous allons prendre l’apéritif à Ronain et revenons assez tard à Bourgogne.

   Nous entendons un grondement sourd du côté de la Somme. A table, nous apprenons la mort par accident d’un sergent du dépôt (24e Cie) due à une imprudence : cartouches laissées dans le chargeur d’un fusil mitrailleur.

   4 novembre – Boum ! Me voici désigné pour suivre un cours « canon de 37 » Cela me va assez. 21 jours à ne pas trop fatiguer, c’est appréciable.

   STAGE CANON 37 (Bouvancourt)

   6 novembre. Lever de bonne heure : 7 heures. Cours de canon de 37 commencé, c’est nouveau et intéressant. Nous sommes environ 50 dont 6 officiers, une pièce est à notre disposition, c’est pratique. Comme ce cours a lieu à Bouvancourt, je me paye quatre fois le voyage (8 Km). Cela me promène et me divertit.

   7 novembre – Les cours du canon de 37 continuent. Je fais chaque jour le chemin avec un brave S/Lieutenant, le père Finck, un ancien colonial qui est très gentil et a une tare : n’être pas du grand monde. Car ici à la popote des officiers, ce sont des Messieurs qui en sont les habitués, des snobs, des majestés, des leaders, des « quelqu’un » de bien, des… des…



samedi 2 juillet 2016

Stage officier.

 Du 7 juillet au 18 octobre 1916.
 
  Albert Hénault va délaisser ses carnets, pendant toute la durée de son stage en vu d’accéder au statut d’officier.
   A l’issue de cette période, il bénéficiera d’une permission, qu’il passera auprès des siens, à Villegouin (Indre).

- école d'Albert Hénault -
(droits réservés)
   On le retrouve, le 19 octobre.

vendredi 24 juin 2016

Bois Clausade - du 25 juin au 2 juillet 1916.

Du 25 juin au 2 juillet 1916 : Bois Clausade.
 
 
   25 juin – Nous voici arrivés à Clausade. Il y cogne bien moins que la dernière fois où nous y étions. C’est calme comme tout, c’est peut-être le prélude d’une attaque boche.
   26 juin – Boum ! Une tuile ! Dans la division, les permissions sont suspendues jusqu’à Nouvel Ordre ! Comme j’ai bien fait d’en profiter ! Allons, j’ai encore un peu de veine. C’est certainement le prélude de la fameuse attaque anglaise en Somme !
   30 juin – ça chauffe aujourd’hui – tout le monde alerté. Le 251 veut prendre un petit poste boche, aussi bombardement intense. Notre artillerie n’arrête pas. Nous, nous sommes dans nos abris tout équipés, prêts à toute occasion. 2 Heures 35 soir – la porte de l’abri s’ouvre en coup de vent. Le caporal Auprêtre (6e escouade) m’annonce que deux de nos hommes sont blessés. Un obus boche est tombé à l’entrée de leur abri. Alors brancardiers [illisible] poste de secours etc. … Un, un vieux gars, Geay est blessé au rein, côté droit, d’un éclat. Cela n’a pas l’air d’être très grave – l’autre Coudert un Chatillonnais, bon garçon, un peu bavard, est blessé au bras gauche par trois petits éclats. Oh ! vilaine guerre et vivement la fin !
   1er juillet – De service ou de corvée ! Rien de bien neuf, cela gronde au bois du côté de Soissons.
   6 juillet : Ici se termine le N° 4 des Tranchées.
   C’est maintenant le Peloton des E.O.A.T. [École des Officiers de l’Armée de Terre] qui commence.

jeudi 16 juin 2016

Butte de l'Edmond - du 17 au 24 juin 1916.

Du 17 au 24 juin 1916 : Butte de l'Edmond.
   17 juin – Nous voici encore dans un nouveau cantonnement (Butte de l’Edmond) tranchées nouvelles ; boyaux tortueux, pleins de sable. Ce n’est pas le rêve ! Nous habitons d’énormes sapes. Nous en habitons une qui est à dix mètres sous terre et qui contient soixante-quinze places. Nous y sommes au large. Les boches sont à 400 mètres de nous. Nous les voyons cependant à l’heure de la soupe passer au-dessus d’un talus, le fond de la tranchée étant inondé. Nous prenons nos avant-postes tout à fait sur la berge d’une route, celle de Pontavert à Corbeny, exactement à la croix « X ». Il y a longtemps que je n’avais marché sur une route. Cela m’a semblé tout drôle.

   18 juin – La canonnade est moins intense et étant de travail ce soir, nettoyage d’un boyau - (Rabat) qu’il s’appelle - j’en ai profité à 11 heures du soir pour aller avec le lieutenant Changeur visiter la ferme du temple. Pauvre ferme, jamais je n’ai vu une désolation pareille. Au centre de la cour, un tas de crânes, d’os, de ferrailles… entre lesquels a poussé une herbe, drue, verte, dépassant ma hauteur. Les murs, ce sont des ruines. Les carreaux en mosaïque de la cuisine sont criblés d’obus. Les derniers sont tombés à cet endroit à 0 m50 les uns des autres. De l’escalier, la charpente seule reste. Ici un placard effondré, là trois ou quatre sacs de soldats français, ailleurs deux bidons boches transformés en écumoire. Dans une sorte de jardin anglais situé au Nord, j’ai remarqué deux caissons d’artillerie totalement dans l’herbe ; quatre cadavres de chevaux desséchés gisaient et servaient de nourriture à cette végétation luxuriante et forcée. On ne peut s’imaginer quelles émotions on ressent à voir ces ruines, ces cadavres, ces rouleaux, ces charrues brisées, ces arbres déchiquetés, et ce, surtout en plein clair de lune, lorsque vous entendez à cent mètres, le crépitement de la fusillade des premières lignes.
Ferme du Temple, avant la Grande Guerre
 
   19 juin – Notre lieutenant commandant la Cie est arrivé. Alors plus de repos ni trêve, des corvées et des corvées !
 
   21 juin – Rien de saillant. Si oh ! Je l’oubliais ! Une note au rapport prévient quatre commandants de Cie de proposer des sous officiers, caporaux, soldats, pour un peloton de trois mois en vue de faire des officiers pour la réserve d’active : prendre profession libérales, gens instruits, etc. …
   Il est compréhensible que ceci tombe sur moi, aussi suis-je inscrit d’office, en tant qu’instituteur. Enfin comme il se murmure étonnamment que les quatre dernières classes vont passer dans les réserves incessamment, je n’en suis pas du tout fâché.
   22 juin – Toujours chez M. Edmond [Butte de l’Edmond] qui nous offre une large hospitalité de taupe ; hier, j’étais de corvée de nuit, boyaux à réparer. Nous avons trouvé des boches enfouis, c’est macabre.
   23 juin – Nous retournerons sous peu à Clausade – les adjudants sont partis en reconnaissance.
   Les boches sont récalcitrants et couvrent Styrn de fusants nombreux. Enfin laissons-les faire !
 
   24 juin – Nous nous préparons pour aller à Clausade. Oh ! vivement la fin de tous ces changements-là !

lundi 13 juin 2016

Ouvrage 10 - du 12 au 16 juin 1916

Du 12 au 16 juin 1916 : "Ouvrage 10".
 
 
   12 juin – Nous voici arrivés à l’ouvrage 10 Beau Marais. Oh ! Que c’est bon de se déchausser et de pouvoir se reposer tranquille.
 
   13 juin – Quelle bonne douche, que cela fait du bien la grande eau bien claire, bien limpide et comme cela repose. Je vais à Pontavert chercher une paire de chaussures et ce soir, je me rendrai à la coopérative.

   14 juin – Quelle tranquillité. Le lieutenant commandant étant parti en permission, je suis invité par le lieutenant Changeur à aller faire un tour à l’Equerre et à Styrn. Rien de nouveau – je suis invité à sa table. Je m’en tire, on s’en tire toujours à table !

   15 juin – Je sors probablement de faire une blague. Tant pis, on en fait à tout âge. J’ai acheté le Kodack du Lt [lieutenant] Ledieu – enfin tant pis. Je vais aller faire un tour à Pontavert et reviendrai me coucher.
 
   Passe au Bois Styrn.
 
   16 juin – Je suis allé faire un grand tour dans Beau-Marais ! Quelle belle promenade ! J’ai cherché des fleurs pour ce que j’ai de plus cher, je n’ai pu rien trouver. J’ai écrit ensuite une longue lettre, puis après, la soupe, bing ! Une tuile. Lecture du rapport ! Le sergent Hénault remplacera le sergent Lafontaine au bois Styrn à midi !
   Douche ! Enfin, dare-dare ! Le dîner bâclé, le sac bouclé et en avant ! Il fait soleil, quel beau temps, si cela pouvait continuer. Oh ! Vivement la fin !

 

samedi 4 juin 2016

Bois en Equerre - du 5 au 11 juin 1916.

   Albert Hénault a bénéficié d'une permission.
   Période qui l'a éloigné, un temps, de sa condition de Poilu.
   Son récit, qui s'est arrêté à la date du 22 mai, reprend à celle du 5 juin.

Du 8 au 11 juin 1916 : Bois en Equerre.

   5 juin – La permission est finie, ça n’a été qu’un rêve. Un éclair furtif sillonnant une vie.
   Nous voici revenus dans notre fameux bois de Beau-Marais !
   Maintenant c’est le bois en équerre en face la Sapinière et le bois Styrn. Je suis de quart de minuit à quatre heures.
 
 
   6 juin – Rien d’intéressant. Ces sales boches tirent sur nos boyaux. Il est vrai que c’est l’heure des corvées de soupe. Oh ! Guerre maudite faite avec le plus possible de carnages et de rages. Civilisation, où es tu ? Il pleut à verse. Les tranchées pleines d’eau boueuse et jaunâtre vous retiennent.

   7 juin – 2 heures matin. Je suis de quart. Je viens de visiter les sentinelles. Tout est calme. Cependant trois obus boches viennent de s’aplatir sur la sapinière.

   8 juin – Les boches hier n’ont pas été ce qu’il y a de plus calmes. Ils nous ont lancé un certain nombre d’obus. Ils nous imitent maintenant – ils font, comme nous, des salves de surprise, au moment où tout est calme, ils vous déclenchent un tir rapide de dix obus, fusants ou percutants sans crier gare. C’est plus traître car vous n’avez pas le temps de vous cacher.
    Il continue aujourd’hui de pleuvoir. La tranchée est de plus en plus sale et fangeuse. 

   8 juin : de l’eau toute la journée, quels boyaux, quelles tranchées ! C’est la misère !

   9 juin – Le temps pluvieux du matin a fait place à un beau soleil.

   10 juin – Je viens de faire un tour aux sentinelles. Il est une heure du matin.

   11 juin –Il va faire beau, la nuit est calme. Nous quittons ce soir notre Bois à l’Equerre. Nous pourrons au moins nous déchausser. C’est appréciable !

lundi 23 mai 2016

Bois au Muguet (Ouvrage 11) - du 18 au 22 mai 1916.

   Du 18 au 22 mai 1916 : Bois au Muguet (ouvrage 11).

   18 mai – Il fait soleil. Nous quittons ce soir l’ouvrage Desaix et allons retrouver notre fameux ouvrage 11 à Beau-Marais. Deux jours de repos bien gagnés.
 
   19 mai – Nous y voici dans notre bois au muguet. Nous y arrivons à trois heures du matin, un peu fatigués. Nous avons subi quelques coups de mitrailleuses, mais sans mal heureusement.
 
   20 mai – Aujourd’hui repos. Les bains-douche font du bien ! Les boches arrosent un peu partout d’obus, enfin patience !
 
   21 mai – Nous allons prendre encore la tranchée à cette fameuse Sapinière pour huit jours. Je crois véritablement que la 11e Cie est bonne pour cela. Enfin passons ! Nous avons un lieutenant comme commandant de Cie, il faut bien lui faire gagner son troisième galon.
 
   22 mai – Je suis de corvée avec vingt hommes ; ils n’ont pas l’air de s’en faire. Il s’agit de  combler des anciens abris, par un temps orageux et malade.
   Les permissionnaires de Paris sont arrivés. Nous attendons le retour des autres pour partir. Oh ! Vivement ! Depuis le 23 août de l’an dernier, c’est un peu long ! Tout vient à point qui sait attendre !!

Ouvrage Desaix - 15 au 17 mai 1916.

    Du 15 au 17 mai 1916 : Ouvrage Desaix.
 
 
  15 mai - 7 heures [du] soir – Un ordre de relève arrive. A 8 heures du soir nous devons [occuper] ma ½ section à moi [l’ouvrage] Desaix. Alors remue-ménage, fabrication des sacs etc.
 
   16 mai – Nous voici dans notre nouveau fortin à deux cents mètres environ de la Pêcherie. Nous sommes en seconde ligne. Ce n’est pas le rêve, les balles sifflent plus nombreuses qu’en première. Les torpilles aussi se font entendre mais ne viennent pas jusqu’à nous, heureusement. Nous sommes à l’angle sud-est du bois Marteau.
 
   16 mai - soir 9 heures [21 h.] - les boches ne sont pas gentils ce soir : il y a une bonne heure qu’ils nous torpillent. J’ai bien peur d’une attaque boche. Nous serons aux premières places. A 21 heures 30 une fusillade. Les boches tirent sur mes travailleurs. Enfin il n’y a aucun mal. A 22 heures le calme renaît. Ce n’était qu’une fausse alerte.
 
   17 mai – Le temps est beau. Dès 4 heures du matin, les Fokkers sillonnent les nuages. Le calme continue cependant. Nos remplaçants sont venus prendre les consignes pour la relève de demain. Nous allons retourner au bois du Muguet où nous serons plus tranquilles.

vendredi 13 mai 2016

Secteur de La Miette - 11 au 15 mai 1916.

 
Du 11 au 15 mai 1916 : secteur de La Miette.
 
   11 mai – Nous voici arrivés à notre nouveau poste. Nous gardons un ouvrage de première ligne avec une section de mitrailleuses du 204, une section d’infanterie 96e d’active, une section de territoriale. Nous voici redevenus régiments actifs – véritablement, c’est à n’y pas croire.
   Ce fameux secteur de la Miette a l’air d’être tranquille, les boches ne tirent pas et nous non plus. L’ouvrage que nous gardons est un fortin, les boches l’entourent sur trois côtés. Nos premières lignes sont à l’ouest, à 80 mètres des tranchées contournables à l’est à 250 mètres. A l’est de nous, se détachent la ferme du Choléra et à 3 km de nous, dans la même direction, Berry-au-Bac. A l’ouest, c’est le bois franco-boche que nous avons enlevé le 25 avril dernier. Nous sommes si près que les marmites boches ne sont pas à craindre ; les balles sifflent de temps en temps. Il ne fait pas bon le jour s’aventurer sur les talus.
 
 
   12 mai – Nous avons de bons abris. Ce sont des sapes à sept ou huit mètres sous terre, en pleine craie.
   13 mai – Il pleut à verse. La tempête fait rage dehors. Les poilus veillent dans la tranchée. On entend de loin en loin des coups martelés de maillets. Les boches devant nous travaillent – il est 23 heures 30 -, rentrant de ronde, j’écris ces lignes. Quelle boue gluante. Quelle vase blanchâtre dans cette Champagne. Par les temps secs, nos tranchées sont d’une propreté excessive, de petites routes encaissées couvertes de poussière, mais par les temps pluvieux, quel cloaque ! On glisse à chaque pas, flaques d’eau, une boue tout à fait attachante qui ne vous lâche pas.
   14 – 15 mai – Toujours dans ce secteur en première ligne. Nous n’y sommes pas plus mal qu’ailleurs. Les boches travaillent de l’autre côté. Nous avons fait passer le courant électrique dans les fils barbelés en avant de nous, de 12 à 17 heures ; nos montres en ont été un peu victimes.
 

lundi 2 mai 2016

Bois Clausade - 5 au 10 mai 1916

   5 mai 1916 – Aujourd’hui quatre heures et demie du matin, départ à cinq pour visite d’un nouveau cantonnement – mauvaise impression – nous passons à Pontavert. Pauvre pays ! Nous visitons à Clausade nos nouveaux abris.
 
   Pauvre bois ! Quel cataclysme ! Ce n'est plus un bois, c'est un fouillis inextricable de branches cassées, de troncs d’arbres brisés. La végétation luxuriante de ce lieu ressort avec une peine infinie de ce chaos ! L’aspect du lieu est tout à fait désolant : terrain labouré d’obus, avec un air de dévastation touchant au cœur. L’air, l’atmosphère de ce coin sont aussi déconcertants. Le sifflement des obus et des balles, le craquement des arbres brisés, le crépitement des mitrailleuses se mêlant au bourdonnement fantastique des hannetons, les chants accordés et aigus des oiseaux font de cet endroit un enfer. Par intermittence, heureusement.
 
 
 
   Du 5 au 10 mai 1916 : Bois Clausade
 
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   Ce soir la canonnade est plus active. Enfin ! Chaque jour qui passe nous rapproche de 24 heures du but, qui est la paix !
   5 heures du soir, nous subissons une saute de vent ou plutôt un véritable cyclone. Les arbres traversés d’éclats d’obus et ne restant debout que par miracle, se brisent et tombent avec fracas. Une de nos « saucisses » [ballon captif d’observation] (celle de Ventelay) sous la rafale, casse son amarre et passe au-dessus de nous, à la dérive, droit chez les boches ! Ils jettent par-dessus bord tout ce qui est compromettant, ces pauvres aéronautes. Où vont-ils atterrir ? Et comment ? Mystère !
 
   6 mai – Préparatifs de départ pour le bois de Clausade. Ce n’est pas du tout le rêve. Nous y allons pour huit jours ; après nous serons relevés.
 
   7 mai – Nous voici à Clausade complètement prisonniers. Là, nous allons travailler et avons un secteur à garder. Le jour, il faut se serrer car les marmites boches ne sont pas rares. Nous y sommes pour huit jours, mais je voudrais bien les voir achevés.
 
   8 mai – Les boches - au moment où j’écris - envoient de grosses marmites ; il est 2 heures du soir [14 h.] ils nous ont laissé quelque répit hier et ce matin – Rien de neuf à part cela.
 
   9 mai – Ces sales boches sont aujourd’hui véritablement agaçants. Quel bombardement. Les marmites tombent à cinq mètres de nos cagnas, à sept ou huit minutes d’intervalle.
 
   10 mai – Un autre changement de direction. Nous quittons ce bois Clausade qui ne nous est pas du tout hospitalier et allons planter nos pénates au bois de la Miette. Il paraît que c’est plus tranquille, que le secteur est meilleur. Ce ne serait pas de trop.
 
   Nous faisons en ce moment des corvées au bois Franco-boche, ce n’est pas le rêve, enfin c’est la guerre !
 
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   Hier soir, il y a eu une canonnade intense sur le plateau de Vauclerc, face à Craonne ! Quel bombardement !

 

dimanche 20 mars 2016

Beau-Marais - 17 avril au 4 mai 1916.

   Du 17 avril au 4 mai 1916 : BEAU-MARAIS
 
 

  18 avril – Encore vilain temps froid, la pluie tombe à verse. Une attaque devait se déclencher, mais je crois que ce n’est pas encore à point. J’ai déménagé et ne loge plus dans ma villa. J’habite avec mes hommes ; l’abri est plus sûr et j’y suis très bien.

 
   19 avril – Je commence un nouveau recueil ; le deuxième n’était pas complet, mais je l’ai terminé, ayant l’occasion de l’expédier.

 
   20 avril – Il fait beau soleil. Trois aéros boches se promènent d’une façon tout à fait « bénévole ». On a dû certainement prévenir les nôtres de ne pas sortir car aucun aéro français n’apparaît. Ils n’ont heureusement lancé ni bombes, ni fléchettes.
   Nous vivons ici absolument comme les habitants des cavernes. Toujours sous terre comme les taupes. Il y a tantôt quarante et un jours que nous sommes ici et on ne [parle] pas beaucoup de la relève. Il est vrai que notre Colonel veut avoir des décorations. Oh ! Si nous pouvions dire ce que nous pensons tous. Mais il faut la boucler.

 
   21 avril –Nous ne nous plaindrions pas si nous allions un peu à l’arrière, et si les permissions reprenaient. Il paraît qu’elles ont été supprimées à notre secteur parce que le 276ème a flanché au Bois des Buttes, le 10 mars. Nous, 66ème Territorial, nous avons pris la pilule et nous trinquons pour les autres. Voici la justice de ce jour.
   23 avril – Hier nous avons eu à déplorer la mort de trois officiers du 96e et de leurs ordonnances. C’est une véritable guigne. Ces six hommes étaient dans une cagna et un « 150 » boche est entré par la porte et les a nettoyés. Combien en tombent-ils des nôtres chaque jour dans ce bois de la Sapinière et des Buttes ? C’est effrayant et ce, sans combats.
 

   24 avril – Il est 16 heures du soir, ça sent l’attaque de notre part. On en parle depuis tant de temps. Cette fois, du coup, ça pourrait arriver.

 
  Pour la journée du 25 avril, Albert Hénault relate plus en détails. Apparait dans ce récit, l'état d'esprit dans lequel il devait se trouver, le jour de l'offensive Nivelle.

   25 avril – Lever à 5 heures. Dernier travail aux abris de bombardement ; tout, à 7 heures, doit être prêt, sacs faits. C’est l’attaque. Qu’allons-nous faire ? Mystère !
   Il est 7 heures 45. Tout le monde est aux abris. Le bombardement commence. Quel bruit, quel vacarme ! Torpilles, 75, 110, 150, 210, grenades, ne s’arrêtent pas, et ceci de 8 heures du matin à 10 heures du soir [22 heures]. 150.000 obus environ tombent sur les boches. Il faut qu’ils aient la santé solide, ils sont bien terrés. Vous êtes abasourdis ! Quel énervement !
   Quelles inquiétudes ! Quelles transes ! Le sommeil, il n’y faut pas penser. Manger ? Vous n’avez pas d’appétit ! Ecrire ? Il n’y faut pas songer : les idées vous échappent ! Quels états d’âme ! Et nous ne sommes pas les acteurs de ce drame ! Nous pouvons cependant le devenir. A 4 heures du soir [16 heures], malgré le bombardement, l’attaque se déclenche. Les fusils et les mitrailleuses crépitent et les grenades font entendre leurs bruits sourds et prolongés. Quelle tuerie !
   Oh, civilisation ! Que tu es descendue bas ! Vingt siècles pour nous amener à cela ! C’est insensé et illogique, et cependant réel !
   A 7 heures du soir [19 h.], un communiqué nous arrive ! « Attaque à l’aile droite, prise du bois franco-allemand, à l’aile gauche, prise d’une première tranchée au bois des Buttes ». L’action continue, c’est un avantage. A 8 heures du soir [20 h.], quel tintamarre ; qu’y a-t-il ? On s’en doute ! Les obus boches répondent aux nôtres sans répit. En effet une contre-attaque boche s’est déclenchée !
   A 8 heures du soir [20 h.]. Surprise ! On annonce une première vague de gaz sur nos premières lignes. Tous alertés ! Il fait sombre. Tout le monde est à son poste. Quatre guetteurs dans les tranchées,  tous à l’abri. Je sors le nez dehors avec deux de mes camarades, l’adjudant Hahn et Ellion. On aperçoit une fusée rose ! Tout à coup, le tir se déclenche au bois des Buttes. C’est l’assaut du centre Cinq. Quel feu d’artifice ! Jamais je n’en ai vu de si intense !
   10 heures du soir - ordre ! Ne doublez pas vos sentinelles mais redoublez de surveillance.
  11 heures du soir - l’attaque est finie ! Les canons boches redoublent de violence – le ravitaillement de Pontavert est surtout visé – Humanité ! Tu es un vain mot !

- coupure de presse, inséré dans le carnet -
(cliquez sur la photo pour l’agrandir)

   26 avril - 23 Heures. Au nord de l’Aisne après une préparation d’artillerie, nos troupes ont enlevé ce matin un petit bois au Sud du Bois des Buttes, région de la Ville-au-Bois.
 
[Cette mention est manuscrite et encadrée au crayon, à la suite de la coupure de presse].

   28 avril – Aujourd’hui un calme relatif est revenu. Les boches tirent plus que nous. Ils font des tirs de barrage sur le bois franco-allemand pour empêcher nos tranchées de s’organiser. La tranchée d’avant la Sapinière, prise par nous, n’a pu être conservée. Ils sont encore forts ces sales boches !

 
   1er mai – De gros obus pleuvent encore aujourd’hui. Ils arrosent un peu Pontavert. La nuit dernière, ils ont tiré sur notre ravitaillement.
   Un conducteur, blessé. Deux chevaux, tués.
   La compagnie travaille toujours à ses abris. Oh ! vivement qu’on soit relevé, depuis 94 jours que nous sommes en ligne, il serait temps d’aller respirer un peu l’air d’arrière !

Détail intéressant sur la réutilisation de l'armement pris à l'ennemi.
 
- Mitrailleuse boche, ouvrage 10 bis -
(dessin Albert Hénault - 2 mai 1916)
 
   2 mai 1916 – Temps relativement calme – les boches ont été assez gentils ! Je suis allé voir une mitrailleuse boche. Mitrailleuse prise à Verdun et dressée maintenant au pied de la butte d’Edmond. C’est tout à fait cocasse de se saisir d’engins ennemis et de s’en servir pour les moucher. Cette mitrailleuse est approvisionnée par 20 boites de 100 bandes de cartouches de 250 chacune.
   Ne trouvez- vous pas qu’il y a un certain plaisir à se servir de ces engins – le tube -A- est plein d’eau car le canon s’échauffe vivement,  -B- c’est le viseur (les boches l’ont enlevé avant de ficher le camp). Un viseur de St Etienne* adapté le remplace. C’est un engin très encombrant, mais quel mal elles nous font ces mitrailleuses-là ! Elles ont l’avantage d’économiser un homme pour servir de chargeur.

 
   3 mai 1916 – Temps aujourd’hui calme !

 
   4 mai 1916 – J’ai aujourd’hui collé un timbre du poilu. Voici celui de notre régiment. Il est simple mais pas mal du tout.
   Les obus boches pleuvent, moins drus. Ils sont plus calmes en ce moment. Demain, nous partons à cinq avec le lieutenant commandant la Cie pour aller occuper des tranchées (Bois Clausade). Ce n’est pas le rêve. Enfin, il faut bien s’y conformer. Les travaux d’abri étant finis, nous allons ailleurs, c’est bien notre veine !
   J’avais espéré aller à l’arrière, mais maintenant cet espoir est envolé !