mercredi 19 octobre 2016

A l'arrière (Bourgogne) - du 19 octobre au 10 novembre 1916.

Du 19 octobre au 10 novembre 1916.
A l'arrière.

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  S'en est terminé du stage "Officier", et de la permission qui a suivi. Albert Hénault retourne aux tranchées. Il est désormais affecté au 267ème R.I. avec le grade de sous-lieutenant.

   19 octobre – Paris - 7 heures du matin. Seul, dans cette gare de l’Est. Enfin arrive 8 h 20. Le train s’ébranle. Le temps est gris, sale, pluvieux ; le train noir, maussade, sent le cafard comme tout. Il est lent, s’arrête partout, il est énervant. La pluie tombe à flots.

   20 octobre 1916 – Temps encore plus gris, pluie à torrents, les fossés regorgent d’eau et demandent grâce.

   21 octobre –Ouf,  ça y est ! Nous tenons l’affectation que nous cherchions depuis quatre jours. Moi 16e Cie, Santerre 20e.

   22 octobre – C’est fait. Chacun a sa case et chacun son plumard. Oh, rien d’extra mais enfin plus d’allées et venues. Sa chambre, ses affaires, son intérieur - quel grand mot pour une si petite chose-chambre de 2 m sur 2 m - enfin passons. Maintenant affectés, les officiers sont plus gentils. Plus cet air de dédain, cet air important. Cependant encore quelque chose, un je ne sais quoi, qui vous met un peu à part dans la catégorie des gens : « A désinfecter à l’arrivée » Drôle d’esprit, superbe comme abrutissement -la Su--rio-ri- de l’An-cien-ne- règne en maître ! Goujaterie !

   22 octobre – Hier, nous sommes allés à Fismes avec l’ami Santerre acheter des effets : couvertures et sacs de couchage. Quelle animation, quel entrain dans cette ville, beaucoup de boutiques ouvertes pour objets militaires. Je commence à concevoir que si la guerre nuit à beaucoup, elle en flatte et profite à un certain nombre, pas du tout négligeable.

   29 octobre 1916 – C’est dimanche. Repos sur toute la ligne. Aussi j’en profite pour aller rendre visite au colonel du 66 et à mon ancienne Compagnie qui se trouve à Pontavert. Après avoir averti le D.D. [Dépôt Divisionnaire] je pars pour les lignes par un temps affreux.
   Je passe à Roucy puis j’arrive à la passerelle de Pontavert ; rien de changé depuis que j’ai quitté le pays, tout est à la même place, une chose cependant me surprend, c’est l’agrandissement forcé du cimetière militaire. Tous les jours, des tombes nouvelles viennent s’ajouter aux anciennes, quelle horrible guerre ! Que de victimes il doit y avoir à Verdun ou en Somme !

   31 octobre – Le temps s’est remis au beau. La pluie a cessé et le vent s’est ralenti. Nous en profitons, Santerre et moi, pour faire une longue promenade. Nous allons d’abord au Nord de Bouvancourt sur le plateau d’où nous découvrons le plateau de Craonne, Craonnelle, le Choléra, les Buttes, tout cela étant encore en « bochénie » . Puis non contents, nous allons prendre l’apéritif à Ronain et revenons assez tard à Bourgogne.

   Nous entendons un grondement sourd du côté de la Somme. A table, nous apprenons la mort par accident d’un sergent du dépôt (24e Cie) due à une imprudence : cartouches laissées dans le chargeur d’un fusil mitrailleur.

   4 novembre – Boum ! Me voici désigné pour suivre un cours « canon de 37 » Cela me va assez. 21 jours à ne pas trop fatiguer, c’est appréciable.

   STAGE CANON 37 (Bouvancourt)

   6 novembre. Lever de bonne heure : 7 heures. Cours de canon de 37 commencé, c’est nouveau et intéressant. Nous sommes environ 50 dont 6 officiers, une pièce est à notre disposition, c’est pratique. Comme ce cours a lieu à Bouvancourt, je me paye quatre fois le voyage (8 Km). Cela me promène et me divertit.

   7 novembre – Les cours du canon de 37 continuent. Je fais chaque jour le chemin avec un brave S/Lieutenant, le père Finck, un ancien colonial qui est très gentil et a une tare : n’être pas du grand monde. Car ici à la popote des officiers, ce sont des Messieurs qui en sont les habitués, des snobs, des majestés, des leaders, des « quelqu’un » de bien, des… des…