samedi 5 mars 2016

Bois des Buttes - 9 au 14 mars 1916

A compter du 9 mars 1916, le Régiment prend position dans la zone Nord de Pontavert.


L’unité occupe le terrain. Par période successives, Albert Hénault doit conduire ses hommes en différents points de la zone.

   Nous quittons 9 mars [souligné dans le texte] ce brave pays pour gagner les tranchées à 22 heures. Harassés, nous passons à Pontavert. Pauvre Pontavert, quel crible ! Quelle passoire ! Églises en ruines, maisons sans toits, arbres criblés, pauvre désolation.

(tous droits réservés)



  Enfin nous gagnons les tranchées. Cagnas assez confortables. Les bois  Styrn, des Buttes, de la Sapinière, Clausade et autres sont nos amis.

   Du 9 au 14 mars 1916 : BOIS DES BUTTES
 
(angles de prises de vues)
- depuis l'emplacement marqué d'une étoile jaune -

(marquage des points)
(photos de l'auteur)
- en date du 19 avril 2016 -



 


   Plus de plaines, des bois, des arbres fauchés, coupés, déchiquetés, en lambeaux littéralement. Enfin, il est une heure du matin, toutes les voitures, cuisines et le reste sont arrivés et je vais me coucher.

Le vendredi 10 mars, les allemands effectuent une attaque d’envergure, sur le Bois des Buttes.

   10 mars – Sommeil de plomb, suite d’une marche assez pénible. Réveil dans un brouhaha fantastique. Quelle canonnade, que de bruits sourds et prolongés, sifflants, stridents, offrant toutes les notes d’une fanfare satanique. J’ai bien assisté à des bombardements mais ce n’étaient que jeux ; de ma vie, je m’en souviendrai. Je cours dans les boyaux, aux corvées, sifflets d’un côté, boums de l’autre, que d’émotions ! à deux heures de l’après-midi, le capitaine De Bizemont nous rassemble et nous prenons les consignes du secteur. Tiens ! Du gaz ? Mettez vos tampons ! Trois vagues de gaz asphyxiant, des bruits d’attaques boches planent dans l’air. Quelle énigme ! Nous ne sommes pas alertés ! Qu’y a-t-il ? Les canons boches crachent, crachent à pleins poumons et les nôtres ne leur répondent que bien, oh ! bien timidement. On a la sensation du monstre et de la mouche ! Nous n’avons donc pas d’artillerie ! On serait presque forcés de le croire. Et ça cogne ! ça cogne toujours. Bref, à 15 heures, accalmie ! Et redoublement ! Puis à 15 heures 30, voix de cycliste « Les boches arrivent  » coup de foudre dans un ciel serein. Mais c’est la surprise ! J’allais dire traîtrise !  C’est trop fort comme terme. Enfin !!! Le capitaine saute sur son revolver, le sergent major Fradet, en pantoufle, prend un fusil, moi, en sabots, je prends mon flingue  et vais aux magasins à cartouches. Le capitaine s’y trouve déjà !!! Prenez, prenez des cartouches ! Les boches arrivent à cent mètres de nous. Les balles sifflent à nos oreilles !! Nous sommes tournés ? alors ne soyons pas prisonniers, on trotte dans les boyaux : 0 m 50 d’eau, tant pis ! Les marmites tombent autour de nous. On décharge son fusil et on repart en vitesse. Véritable enfer ! Nous sommes sept derrière le bois Styrn, il est 16 heures 30 du soir. Le capitaine, Faisant, Moulin  fourrier [caporal fourrier], Renard, deux hommes et moi !

   On a besoin d’un gradé pour aller à Pontavert ramasser les fuyards : cela tombe sur moi ! Triste corvée ! Avoir son arme chargée pour ramener des Français au feu. C’est mon devoir, j’y vais ! Les tirs de barrage font rage, jamais je ne me suis vu si près du Paradis. Un obus éclate, me renverse, pas de mal. Je repars, je trouve neuf fuyards du 276 que je renvoie au feu. Éreinté moralement, je gagne une compagnie du 66 qui est là et je couche dans leur cave.

   La bataille fait rage. Deux contre-attaques énergiques – de notre part – balancent les gains. Les boches nous gagnent près de deux kilomètres et font environ huit cents prisonniers ! Tous jeunes ces boches-là, 108ème d’active ! Notre 276ème s’est laissée percer en face [de] Ville-aux-bois, dans le bois franco-allemand et de ce fait, voyez le gain. Notre 10ème Cie perd 105 hommes et nous, dans cette attaque nous avons un tué et trois blessés. Notre sous-lieutenant de Bizemont, blessé au bois Chaussade, est évacué. Jamais je n’ai passé des journées aussi terribles. Entendre ce bourdonnement de balles et ces éclatements lugubres, voir les copains tomber autour de soi, c’est navrant.

   11 mars – Je quitte Pontavert vers neuf heures et regagne la Cie. La canonnade est moins intense. On respire un peu. Tac ! A midi, aux tranchées, nous faisons des contre-attaques. Le 246ème et 292ème doivent donner. A treize heures, nous sommes à nos emplacements et attendons. Les 75 tonnent, les balles sifflent. A quinze heures trente environ, le capitaine [De Bizemont], très familier, tire sur une pie : « C’est drôle de tirer sur des oiseaux en face les boches » .Quelques instants après, une balle lui traverse le crâne ! Tué raide. Pauvre capitaine ! Que nous te regrettons. Je cours aux ambulanciers. Rien à faire. Nos attaques ont échoué, mais nous restons aux tranchées. Les hommes sont vannés et n’en peuvent plus ! Tant pis ! Le ravitaillement laisse à désirer, c’est la guerre.

   14 mars – Enfin nous allons ré-occuper une autre position. Les boches ne tirent pas. La 6ème Compagnie nous remplace. Il est minuit. Nous portons ballots et le reste à Pontavert à dos d’hommes. Enfin sans avarie, nous arrivons à notre nouveau cantonnement.

 

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