Du 21 janvier au 5 février 1917 :
Buttes de l'Edmond, puis Major de cantonnement de Pontavert.
21 janvier – C’est aujourd’hui jour de
relève. La compagnie Bourguignon vient nous relever.
Où nous allons ce n’est pas le rêve. La
Butte Edmond est souvent canardée. Enfin, nous pourrions nous déchausser et
nous reposer un peu mieux.
5 heures du soir. Je reste passer la nuit
avec la Compagnie qui nous remplace. Ce n’est pas le filon ; surtout que
l’ordonnance m’a tout emporté, couvertures, chaussures etc. Mauvaise nuit à
passer. Tant pis, c’est la guerre ! Nous goûterons mieux les meilleures
nuits lorsque nous serons au repos.
22 janvier, 9 heures du matin – Je suis
littéralement gelé, aussi je me lève à cette heure. Je vais écrire, faire des
lettres, l’esprit étant occupé, je serai mieux et aurai moins froid.
Il neige à plein temps. De gros flocons
voltigent, drus et épais. J’arrive à l’Edmond à 9 heures et demie, tout
blanc et presque gelé. Heureusement que les camarades Godeau et Polyte nous ont fait du feu.
8 heures du soir - Je reçois une dépêche
officielle ainsi conçue « Colonel à Commandant des Buttes » Veuillez
inviter le S/lieutenant Hénault
à se présenter après souper au P.C.D. [Poste de Commandement Divisionnaire]. Je
le désigne comme « major de cantonnement » de Pontavert, de Beau-Marais
etc. etc. » Allons bon, est-ce un filon ? Je ne le crois pas. Ce
qu’il y a de certain, c’est que me voici encore changé de Compagnie. Alors,
visite au Colonel, au commandant de Pontavert, à mon prédécesseur ; enfin,
je rentre à l’Edmond, il est minuit. Quels avatars et quelles tribulations.
23 janvier - Lever à 8 heures moins le quart, je casse la
croûte, et en route pour mes nouvelles fonctions. Je prends les consignes du
successeur et me rends au P.C. de la 69e D.I. à Roucy.
24 Janvier – Mon nouveau métier ne va pas tout seul. Les
consignes m’ont été mal passées, bref « je nage » comme on dit
militairement. Je ne sais au juste, ni ce que je dois faire ni la limite de mon
secteur. Me voilà tout à fait embêté.
Résolution énergique : je vais demander des
éclaircissements à la Division à Roucy. J’y suis très bien reçu. Je reviens
satisfait mais vanné.
15 heures.
Quel vacarme ! Lutte d’Artillerie du coté de
Berry-au-Bac ; ça n’arrête pas. Crapouillots et mines. 75 et 77,
105, 155, 210, tous les calibres se mettent de la partie.
28 janvier – Quel vent, quelle bourrasque ! La poussière sur la route en tourbillons effrénés vous abasourdit. Tournée Pontavert, Platrerie, Chaudardes. Rien à signaler ! Si, le brave 327e quitte son cantonnement et y laisse le feu ! Me voici alors transformé en chef de pompiers. J’ai le casque, la pompe, il ne me manque plus que la lance. Onze obus nous ont encore arrosés ce matin. Ces sales boches redoutent certainement quelque chose ! Nous sommes en pleine offensive en ce moment. On ne parle que de cela ! On va attaquer ici, là ! On veut en finir.
J’ai fait connaissance d’un brave lieutenant de Mitrailleurs
C.M.P.158*, cela veut dire [Compagnie de] Mitrailleuses de Position n° 158. M. Pichery [Blessé le 16 avril
1917 – MPF le 11 juin 1918 à Belloy (Oise)]. C’est un brave garçon. J’ai
passé ce soir, avec lui, une excellente veillée !
30 janvier – Il neige à flots, encore dix centimètres de neige au bas mot pour ce soir. Il fait en même temps froid et sombre, tout porte à la mélancolie. Ce matin, ma compagnie a eu certainement une émotion, un boche s’est constitué prisonnier au trou d’obus situé au centre 2. « Polyte »*** commandant la Compagnie par intérim a dû être heureux. Cela n’arrive pas toujours de faire un pareil chopin [de choper : attraper]. Un boche venant à vos réseaux et vous criant « Kamarads ». Je regrette presque d’être détaché ici. Ce n’est que façon de parler et à titre de curiosité !
4
février – Les bruits de relève se confirment, quel déménagement. Attendons les
événements. Il ne faut jamais être plus royaliste que le roi.
5 février – Quel tintamarre. La division déballe. Déjà deux
bataillons sont partis d’hier soir, le 4e et le 6e. Le
mien part ce soir, à quelle heure vais-je rester en carafe, je ne sais !
Ce qu’il y a de sûr, c’est que ce ne sont qu’ordres et contre-ordres. Des notes
pondues à chaque instant se détruisant mutuellement.
9 heures 30 du soir. Les consignes n’étant pas passées je ne
puis partir.
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