dimanche 16 avril 2017

Chemin des Dames - 16 avril 1917.

   L'unité  est mise en première ligne, sur le secteur de Berry-au-Bac, peut avant l'offensive du Chemin des Dames (la tristement célèbre "Offensive Nivelle").


   Albert Hénault est blessé par éclat d’obus, au niveau de la tempe droite, au premier jour de l'offensive, ce 16 avril 1917.


   Entre cette blessure et la date de ses dernières notes : 6 jours. On peut supposer qu’il a commencé un onzième carnet. Si tel est le cas, celui-ci n’aura pas été transmis à sa famille.




   Aujourd'hui, son école n'est plus.




mais le bâtiment est toujours là,


 il abrite la mairie de la commune.
(merci à Eric, pour les deux photos actuelles)

Le Monument aux morts pour la France.


 (merci à Eric, pour ses photos).


La végétation, elle, a repris ses droits.



(merci à Frédéric, pour ses photos, d'aujourd'hui)




samedi 8 avril 2017

Prouilly - 8 au 10 avril 1917.

Du 8 au 10 avril 1917 :

A l'arrière à Prouilly.

   8 avril - Duel d'artillerie toute la matinée. Un incendie se déclare dans la sucrerie, et le canal encaisse largement.
   De 14 heures 50 à 16 heures 10,  nous déclenchons un tir sur les réseaux de fil de fer boche.
   C’est aujourd’hui relève. Ce n’est pas trop tôt depuis quinze jours qu’on est sous les obus. Cela peut compter.
   8 heures soir [20 h.]. Nous attendons la relève. Boum ! Voici un tirage de barrage boche qui se déclenche ; allons, une autre contre-attaque boche serait-elle en vue ? Vilain coin. Enfin ! La relève du 287e arrive, en passant près de la passerelle, le lieutenant me remplaçant est blessé d’un éclat d’obus à la main. Mauvais présage dans ce secteur. Les obus pleuvent sur la sucrerie de Moscou, il faut cependant passer avec 40 hommes, ce n’est pas facile, enfin.
   11 heures soir - nous quittons la côte 108 ; après être passés à la gare de Berry-au-Bac, nous prenons le boyau d’évacuation Moscou-Cormicy. Nous traversons ce dernier patelin à minuit avec une certaine appréhension ; il y a tellement de voitures, ravitaillement d’artillerie, Génie etc. que nous passons entre deux rangées de voitures à la queue leu-leu. Oh ! Quelle bouillie ! Si quelques obus boches eussent tombés au moment !


   9 avril – 1 heure du matin. Nous arrivons à Châlon-le-Vergeur sans trop d’embûches, les boches, gentils, ne nous ont pas trop sonnés. Quelle marche ! Véritable incohérence ! 267ème, 151e 162e, tous isolés, ou par deux, par trois , déambulent sur la route.


   C'est l'arrivée à Prouilly.


   A 5 heures et demie, nous passons à Pevy et à 6 heures nous voici à Prouilly, lieu de notre repos. Repos tout à fait éphémère car le 15, c’est le grand coup. Oh ! vivement qu’on en finisse et que ce soit la fin. Il pleut, il neige, il fait un vent froid. Nous commençons à avoir des renseignements plus précis sur l’affaire ou plutôt le coup dur de ces jours derniers. La division était, paraît-il, prévenue de ce coup boche, ou tout au moins, elle le pressentait depuis quelques jours, par des indices sûrs. Certainement il y a eu faute du Commandement ; nos 75 n’avaient pas leurs objectifs exacts, vis-à-vis Sapigneul, étant arrivés eux-mêmes du matin, par conséquent tir de barrage incertain et bon point pour les boches. Nos mitrailleuses, repérées, sont amochées du premier coup. Les boches attaquent avec une division sur le front d’un bataillon sur 2 lignes et au coude à coude, sans être aidés par l’artillerie. Aucune troupe, quelle qu’elle soit, ne pouvait résister. Cela n’empêche pas que la division est obligée de se reformer, ayant perdu un total de 1200 hommes, sans compter 48 pièces de 58, grenades obus et matériel etc. en moins !


   10 avril – Nous voici à Prouilly, les renforts sont déjà arrivés. Je vois cet ami Santerre qui les amène, lui plus veinard, retourne au dépôt. J’eus voulu joindre le communiqué boche dans ledit recueil mais je ne l’ai pas – (je te prierai ma chère Malouise de bien vouloir le coller à cette page lorsque tu l’auras reçu car je te l’expédierai !).


   Aujourd’hui, le régiment passe la revue du Colonel au grand complet, et reformé.



   Ici se termine les écrits d'Albert Hénault.
Un dernier article sera mis en ligne le 16 avril.
Premier jour de la grande offensive du Chemin des Dames.
... "Grande offensive..."
Jour où Albert sera mortellement blessé.

lundi 27 mars 2017

Moscou, face à la côte 108 - du 25 mars au 8 avril 1917.

Du 25 mars au 8 avril 1917 :

Face à la côte 108.



    25 mars – C’est aujourd’hui jour de relève. Remue-ménage habituel, cantines, sacs, musettes, tout se range pour regagner les voitures. Il fait un soleil splendide, déjà 5 avions survolent Guyencourt. Nos canons contre avions les chassent.
   9 heures du soir. Quelle longue étape ! Ayant quitté Guyencourt à 7 heures 15 du soir, nous nous dirigeons sur Cormicy. A 2 km de cette localité, nous entendons une rafale d’obus boches. La route est pleine d’artilleurs, nous ne pouvons avancer et pour ce, attendons. Nouvelle rafale : 2 artilleurs de tués et 4 blessés. C’est la guerre. Tapis dans le fossé de la route, nous attendons. Après une demi-heure, nous continuons la route sans encombre. Nous parcourons un long boyau de 3 Km de long sans s’arrêter et arrivons exténués à Moscou. Là, nous remplaçons le 151e (6e Cie) qui, heureux de quitter ces coins peu hospitaliers, démarre en vitesse. Nous craignons une attaque aux gaz vers notre droite. Le vilain temps de la nuit, l’eau et le vent contraire nous font heureusement échapper à cette émission de gaz.
   26 mars – Nous voici à Moscou. Face à la côte 108. Quel chaos ! Nos tranchées sont creusées sur un mamelon artificiel fait par nous, c’est la guerre de mines dans toute sa splendeur. Cette énorme butte de terre égalant la côte 108 est totalement minée. Ce ne sont que galeries souterraines. Nous voici ici à l’Est de Berry-au-Bac, environ 5 km. Nous sommes adossés au canal de l’Oise, à l’Aisne desséché et près d’une petite rivière, l’Ouavre. Sur ce canal desséché [25 ou 29]péniches sont là, gisantes et éventrées, pleines de charbon. Trois cents tonnes par péniche. C’est une veine par cette crise du charbon. Devant nos lignes, très peu de fils de fer. Ce ne sont que des excavations et des entonnoirs. Comptez-leur 50 mètres de diamètre et 40 mètres de profondeur. Nous occupons une lèvre, les boches l’autre. J’ai parcouru déjà un certain nombre de secteurs mais j’avouerai que je n’ai jamais vu pareille désolation ; un tel enchevêtrement de choses étranges et diverses ; piquets de fer tordus, tôles déchiquetées, sacs éventrés etc…
    Autre chose aussi, toute nouvelle, c’est que nous habitons des sapes faites par les boches. Ce n’est pas le confort moderne mais figurez-vous de véritables cages de bois (mandrins de 0,12 d’épaisseur) placés à 6 et 8 mètres sous terre. Ces sapes peu confortables sont d’une solidité à toute épreuve. On voit que là aussi, les boches ont fait « leur Kolossal ». Nous en profitons.


   28 mars – Les boches bombardent continuellement Sapigneul qui est à notre droite. Le 4ème Bataillon a encore des blessés. Le secteur n’est pas du tout un secteur de tout repos, je préférais de beaucoup Beaumarais ou Soissons.


   30 mars 1917 – Les boches continuent à nous arroser mais moins violemment qu’hier. Toujours pluie, vent et grêle. Un obus malheureux tue 2 crapouilloteurs* et en blesse 3 autres, près du canal (droite de ma section).
   3 heures du soir. Nous déclenchons un tir de barrage sur les lignes boches face à Sapigneul. Ces derniers ne trouvent pas la fête à leur goût car ils nous répondent avec énergie et vigueur. C’est nous, 1ère Section, qui encaissons. Enfin après une heure, cela cesse, dégâts matériels insignifiants.
   10 heures du soir. Les canons boches tirent sur notre ravitaillement. Nos caissons d’artillerie reçoivent quelques salves qui leur causent de gros dégâts. Un obus malheureux tue 8 chevaux et blesse un conducteur.
   Mercredi 4 avril – 2 heures 25. Bombardement violent sur Sapigneul. Cinq cents mètres à l’est de notre secteur. Ses ruines ne se voient plus dans la fumée ; gros obus et torpilles font rage. A trois heures, les boches allongent leur tir, c’est nous qui prenons. Les tranchées occupées par ma section sont arrosées d’une façon toute spéciale ainsi que le canal et la sucrerie de Moscou. On ne se voit plus dans la fumée ; nos canons répondent à peine.
   4 heures soir [16 h.]. Le bombardement devient encore plus violent, de grosses torpilles 240 font trembler nos abris, une de ces dernières tombe sur l’abri 207 où se trouvent le sergent Lecollier, M. Aury, Duscatel et quelques autres. Deux mètres cubes de terre volent en l’air, aucun blessé ! Chance inespérée. Le boyau du petit poste 7 est aussi éboulé. J’ai fait monter mes sentinelles du canal de 10 mètres au Nord. C’est un bombardement infernal. Tout voltige, arbres, éclats de bois, de fer etc. 4 heures 15 nouvel obus sur même abri. 4 fusils de brisés, un dépôt de grenades placé à proximité saute avec un bruit formidable.
   7 heures. Nous ne nous voyons plus dans la fumée, on ne peut distinguer que l’éclair des obus qui éclatent, et les fusées signaux rouges, vertes, blanches lancées sans interruption. On entend un crépitement de fusillade ; éclat de grenades et le tic-tac des mitrailleuses.
    7 heures 20 du soir – accalmie du canon.
   7 heures 30 – redoublement des obus. Une contre-attaque de notre part se déclenche. Le 6ème Bataillon du 267e donne.
   8 heures soir. Un coureur de la Compagnie voisine 15e arrive à mon P.C. tout essoufflé :  « les boches ont débordé la droite du 4ème Bataillon et se dirigent sur Cormicy ». Instant de stupeur. S’il est vrai, nous sommes coupés. Enfin à 10 heures, nous apprenons que les boches ont en effet débordé ! Sont entrés dans nos lignes mais ensuite sont retournés dans les leurs, avec vitesse, nous emmenant des prisonniers.


   5 avril – 2 heures du matin. Après un calme relatif, tout d’un coup, Sapigneul, La Neuville, Le Godat s’enflamment, nuages de fumée, signaux à étoiles rouges, vertes, sillonnent les nues ; bruit plus infernal encore. En face de ma section à 200 mètres en avant, un gros nuage mordoré s’avance ; de ce nuage sortent sifflements de balles et tic-tac de mitrailleuses. Plus à douter, c’est probablement une attaque boche de notre côté ! Je lance une fusée verte et déclenche un tir de barrage d’artillerie, le calme de mon côté renaît. A 2 heures 30, tout est apaisé. Nous avons fait une nouvelle contre-attaque qui nous a fait récupérer une partie du terrain perdu, c’est le 162ème qui se paie cette opération.
   5 heures du matin, le bombardement des lignes boches par nos canons commence, il ne s’arrêtera pas de la journée. Les nouvelles arrivent, elles ne sont pas fameuses. Nous avons eu non pas à faire face à un coup de main, mais à une véritable attaque ennemie, déclenchée sur un front de 2 km 500 de Sapigneul à la ferme du Godat (voir communiqué). Nos troupes dans des boyaux bombardés et mitraillés n’ont pu tenir. Après renseignements, nous avons la 23ème Compagnie du 267e avec lieutenants Brisset [disparu le 4 avril 1917], Maigret et Spigental, la 14e Cie avec le lieutenant Artaud prisonnier, Mitter disparu, un peloton de la 13e avec le capitaine Sens blessé ! Le chef de Bataillon Roullet est blessé à la tête et son capitaine adjudant major Froment disparu. Vingt-deux canons de 45 et de 58 tombent aux mains des boches ainsi que 150 mètres de tranchées face au front du bastion de Sapigneul.


   5 avril - à midi. Le bombardement de part et d’autre devient plus intense. Nous devons rester serrés dans nos abris. A 6 heures du soir, fumée, éclairs, fusées redoublent de vigueur. Les mitrailleuses crépitent ; à 7 heures, je lance une fusée à signaux pour demander l’artillerie. Les coups de fusils sont plus nourris. C’est une contre-attaque française faite par le 262 qui échoue. A 8 heures et demie, on entend des cris sur le champ de bataille, ensuite tout se calme ; de minute en minute, un obus fait entendre son sifflement caractéristique.


   6 avril – 2 heures du matin. Debout. Une autre contre-attaque française se déclenche à l’est de Sapigneul. Le 4e Zouaves et des Cies du 6ème Bataillon du 267e y prennent part. On entend des coups de mitrailleuses et des éclatements de grenades.


   Quelques tranchées sont reprises par le 2e Zouaves et la 21ème Compagnie du 267 ; le capitaine Bourguignon y est tué [à noter qu’il ne figure par sur MDH-MPF].


   A 5 heures du matin, je vais m’étendre épuisé sur mon lit, tombant de sommeil. Le bombardement systématique de la veille recommence par nous sur les tranchées au nord de Sapigneul. Ce que les boches prennent, c’est inimaginable, nous avons sur eux la maîtrise de l’artillerie. Douze avions survolent nos lignes. Un avion boche est abattu par nous direction de Reims, un des nôtres est abattu dans nos lignes près de Cormicy. La journée se passe sans trop de casse. Le soir au dîner, un mot du commandant nous apprend qu’une contre-attaque française va avoir lieu dans la nuit (Confidentiel). Voici encore une nuit qui se prépare à être agitée. 9 heures soir. Alerte dans les sections de première ligne. Le bombardement n’arrête pas. On veut faire cette contre-attaque par surprise.


   7 avril – A deux heures du matin, déclenchement d’une fusillade sur toute la ligne. Mitrailleuses et fusils donnent face à Sapigneul. Vis-à-vis le front de la Cie, les nuages de différentes couleurs ne se produisent pas selon leur habitude de deux jours. Je lance des fusées éclairantes pour voir clair devant les lignes. Ce n’est que fumée. Les boches ne doivent pas être très sûrs d’eux car ils lancent à chaque instant des fusées vertes, demandant le secours de leur artillerie. Quarante minutes après, tout est calme ; la contre-attaque a-t-elle réussi ? Mystère !
   3 heures 50. Un grondement d’artillerie se fait entendre sur le bois des Buttes ; une attaque boche probablement. A 4 heures, d’un seul coup, fusillade nourrie, mitrailleuses, grenades etc. C’est un vacarme infernal. Je vais à mon poste d’observation, malgré la fumée, on se rend compte que les boches ne viendront pas de ce côté : ils effectuent entre nous et eux un tir de barrage très violent, qui cause peu de mal aux premières lignes. A 4 heures 30 le calme renaît ; quelle est la cause de cette recrudescence de feu, on l’ignore.
   6 heures. Quatre fusées vertes partent dans la direction de la Merville. Qui est-ce ? J’aperçois à l’est de Sapigneul, à 100 mètres, du sommet de la côte 100 à flanc de coteau, l’éclatement de quelques grenades. L’alignement de ces éclatements marque l’emplacement d’un boyau et font envisager un nettoyage des tranchées. Des fusées blanches sont lancées par nous ; on demande le secours de notre artillerie pour progresser. Ce qui a lieu. A 6 heures 45, les boches à leur tour demandent un tir de barrage de leur côté ! A 7 heures 15, tout rentre dans le silence. Je vais m’étendre sur mon lit, la nuit a été plutôt pénible et dure. A 9 heures, des renseignements nous arrivent, le corps franc du 267 a participé à la contre-attaque de deux heures. Les boches, sur leur garde, les ont devancés dans leur progression ; d’où échec. Le lieutenant Legrand, disparu, Funereau blessé (balle au poumon) Even blessé, sergent Guarrigues, blessé à coups de crosse au visage. Triste réussite.
   J’apprends aussi qu’il ne reste que trente hommes de la 21ème Cie victimes des gaz enflammés de l’ennemi.
   11 heures. Tir de crapouillots sur les tranchées boches.
   2 heures du soir [14 h.]. Tir de [recalage] par notre artillerie sur les lignes ennemies, qui ne répondent pas.
   7 heures soir [19 h.]. Les boches, craignant une contre-attaque de notre part, font jusqu’à 7 heures 30 un tir de barrage nourri sur nos lignes. Deux éboulements ont lieu dans ma tranchée ; pas de blessés ! Après avoir craint une action d’infanterie pour la nuit, cette dernière se passe heureusement sans cela.





















samedi 18 mars 2017

Guyencourt - 19 au 25 mars 1917.

Du 19 au 25 mars 1917 :

A l'arrière à Guyencourt.





   19 mars – Nous voici à Guyencourt, quel patelin ! Que de troupes, du 17e territorial, du 17e TA. du 46 artillerie, du 10e lourd, du 150e d’active, du 162e d’active, sans compter le Génie. Tout cela grouille, va, vient, s’entrecroise etc. Telle une fourmilière
 
   20 mars – Temps splendide comme temps d’hiver. La neige tombe à flots.
 
   21 mars – Vilain temps : neige, pluie, vent et toujours à Guyencourt. Hier soir, j’ai eu une petite attrapade avec le Caïd pour un sac égaré. Quel autocrate ! quelle poussière ! quel tintamarre.  Une véritable quinte de colère. Quel charretier ! Allons bon ! Me voici désigné pour aller conduire demain des fusils mitrailleurs au Moulin de Cuissat. 12 km à faire – départ à 6 heures demain matin.
   4 heures soir. J’arrive de Châlons-le-Vergeur où se trouve le PC du Général de brigade.
 
   22 mars – Journée plutôt mouvementée. Lever 5 heures ; à 6 heures, rassemblement à Châlons-le-Vergeur. J’ai à conduire les détachements de F.M. au Moulin-Cuissat des 3 Régiments de la Division. 151e 162e et 267e. Corvée assez dure. A l’aller, nous passons à Pouilly. Que de troupes ! Que de ravitaillements ! Nous rencontrons le 154e le 287e… etc. etc. …
   Arrivé au Moulin-Cuissat à 9 heures 30. Je casse la croûte avec le sous-lieutenant du 154e qui me remet son détachement pour le retour. Ce dernier s’effectue assez bien sauf quelques obus qui nous sifflent aux oreilles (très près) au Sud de Chalons-le-Vergeur.
   8 heures du soir, je suis littéralement vanné. Aussi, malgré un bombardement vers la Sapinière, je m’endors comme une véritable brute.
 
   23 mars – Brrr. Brrr… voici des bruits de relève qui courent. Allons, bientôt, au revoir à Guyencourt et bonjour à la côte 108, Moscou, Gernicourt, Cormicy etc… Enfin il faut se laisser couler, c’est le meilleur. Ce matin, il neige encore et tout est blanc dehors. Nous devions aller reconnaître le secteur mais ce ne sera que pour demain.
   7 heures soir. Quelle canonnade du coté de Reims. Les boches essaient encore un coup de main. Nos gros canons tournent sans interruption ; à 9 heures, tout est rentré dans le calme. Le communiqué officiel nous annonce : attaques en avant de Thil.

   24 mars – Lever d’assez bonne heure. A 8 heures ½, notre brave homme de Commandant nous rassemble pour des instructions supplémentaires avant de monter aux tranchées. A midi : reconnaissance du Secteur avec Messieurs Phoyeu, Barré et adjudant Perret. Quelle course furibarde ! Nous sommes entraînés par le Capitaine Bauquesne. Nous passons à Chalon-le-Vergeur, Cormicy et Moscou à partir de Cormicy, nous prenons un boyau ; un brave guide, qui est chargé de nous conduire, se trompe, alors quelle nage ! Nous nous boyautons de 1 heure à 4 heures avec de l’eau jusqu’aux chevilles et de la boue jusqu’aux genoux. M. Jolicoeur  manque de s’enliser, c’est charmant. Nous arrivons à 4 heures 30 en première ligne ; quel chaos ! Des entonnoirs immensément profonds ! Les boches nous lancent des torpilles qui éclatent avec un fracas épouvantable. Nos 38 leur répondent. Véritablement, comme reconnaissance de secteur, ce n’est pas le filon. Nous revenons le soir à 8 heures à Guyencourt, complètement fourbus.
 


jeudi 9 mars 2017

Gernicourt - 11 au 18 mars 1917.

Du 11 au 18 mars 1917 :

A l'arrière à Gernicourt.


   12 mars – Bel anniversaire ! A 8 heures du matin le bombardement de Gernicourt continue, pas moyen de se ravitailler ni d’aller chercher la soupe. A 10 heures et demie la cuisine roulante reçoit un obus, le percolateur est percé, le bouillon renversé, puis de 2 heures à 2 heures 10, rafale à côté de ma cagna, tout tremble. Sales boches ! Sales obus ! Sale guerre !

   13 mars –  Pauvre Gernicourt ! Pauvre église ! Ruines et cendres, chevrons brisés, tôles tordues, voici tout ce qui reste de ce patelin !

   16 mars – Beau soleil – Dès 7 heures du matin, les aéros volent. Je suis debout et vais aller photographier les ruines de Gernicourt. La ferme, l’église, le cimetière etc.
   11 heures du matin. Alerte aux gaz, les boches veulent tenter une attaque par gaz sur le secteur de la Merville à 8 Km à l’est de nous. Nous sommes avertis et les masques ne nous quitteront pas. Le torpillage est déjà commencé sur les premières lignes. Qu’est-ce qu’il y a comme tremblement. Nos avions survolent les lignes de très près, le bois des Buttes et Berry-au-Bac prennent quelque chose. Nos canons ne répondent presque pas et pourtant nous en avons. Attendons, quoi ! C’est tout ce que nous pouvons faire.
   3 heures du soir, le torpillage continue toujours ; cela, à la fin, vous rend  absolument nerveux.
   4 heures soir – ébranlement fantastique. Torpilles et mines font un vacarme effrayant. On prévoit une attaque boche sur le bois des Buttes. Tout est absolument en feu, de Craonne à Berry-au-Bac – à 6 heures du soir, alerte, tous en arme. On s’attend à monter au Choléra !
   Un tremblement de terre se produit dans Gernicourt, même les murs s’écroulent, nos bougies pâlottes s’éteignent, un bruit assourdissant se fait entendre et une colonne gigantesque de fumée, en flocons multicolores, s’élève dans le ciel. Nous en apprenons, quelques instants après, la cause. Un obus boche est tombé près du Canal et a fait exploser 96 de nos torpilles, placées en dépôt, dans un boyau près dudit canal.
   8 heures – tout se calme et rentre dans le silence. Ce n’est pas trop tôt. Nous sommes abasourdis. Maintenant des bruits circulent, les boches ont, paraît-il, voulu sortir de leurs tranchées vers la sapinière, mais ils ont échoué. Une taupe boche a été aperçue, paraît-il, par nos avions du coté de Guergnicourt, ce qui fut cause de notre canonnade intense de dernière heure.



   17 mars – Nuit calme, réveil en sursaut vers 7 heures. Cinq obus de 150, boches, tombent dans notre cour et font des dégâts matériels assez importants ; pas d’accident.
   2 heures 15 soir – Cinq obus boches viennent encore nous rendre visite. Vivement demain car c’est la relève et nous allons habiter Guyencourt, 5 kilomètres en arrière, cela reposera un peu moralement.
   J’oubliais de dire qu’hier, en allant communiquer des ordres à ma section, un 105 boche m’est passé très près du nez. Je me suis couché à temps et n’ai rien attrapé. C’est un tout petit détail que je relate par véracité.



   18 mars – C’est aujourd’hui jour de relève, nous partons ce soir pour Guyencourt. Les boches nous ont encore sonnés ce matin. Voici quelques nouvelles de l’attaque boche du 16. Après un torpillage intense sur le 331ème au bois Franco-boche près de l’arbre camouflé, les allemands sont sortis vers 18 heures ; ils nous ont fait 20 prisonniers. Nous avons 3 tués et 5 blessés. Le Sous-Lieutenant Besson, fils de l’amiral, est parmi les morts. Oh ! vivement 9 heures du soir que nous quittions ces parages peu sûrs !






jeudi 9 février 2017

Baulne-en-Brie - 10 au 24 février 1917.


Du 10 au 24 février 1917 :

A l'arrière à Baulne-en-Brie.







   10 février – Repos toute la journée après quatre jours de marche, 65 km en cette période méritent bien un repos.

   Nettoyage des cantonnements, cela semble bon après trois mois de tranchées. – un peu de civil, cela ne fait pas de mal.


   11 février – C’est dimanche, repos. Je vais m’occuper de faire venir ma femme. Pour cela je vais dans un petit hameau appelé « Le Breuil » situé à 3 km de Baulne [Baulne-en-Brie] ; Je vais rendre visite à l’Instituteur, pour trouver un « home » ! Très gentils tous les deux, frère et sœur. Le mari a été tué à la guerre.

   12 février – Premier jour d’exercice. Jeux ; marche. Football etc. Oh ! vivement dimanche prochain. J’apprends à l’instant mon tour de permission : le 28 février. Oh ! vivement que le temps passe ! On demande toujours à vieillir.

   13, 14, 15 février – temps froid, temps de gel. Exercices matin et soir. Comme repos, ce n’est pas le rêve. Cela vaut cependant mieux que Pontavert ou Beaumarais.

   Vendredi 16, 17 – Soirée musicale et théâtrale très réussie.

   18 février – Voyage excellent, aller sans avaries et retour magnifique. C’est la visite à Château-Thierry en attendant la venue de celle qui me tient tant à cœur. Arrivé à la gare à 2 heures de l’après-midi, j’attends avec impatience le train de Paris – 2 heures 34, l’express siffle – Rien ne descend. Déception !!! Enfin, après un tour dans Château-Thierry, je retourne à la gare. Le train de Paris de 3 heures 40 rentre en gare ! Mouvements ! Voyageurs et… Joie ! Je l’ai aperçue. Retour magnifique, et à deux, à « Le Breuil ».

   19 février – Nous voici installés à deux chez Madame Lassez, menuisier à Le Breuil, bonne maison et franche hospitalité. Nous y sommes merveilleusement bien.

   20 février – Nous mangeons en chœur à la popote des officiers de la 18e Cie, la vie de cantonnement dans toute l’acception du mot.
   Notre popote installée dans une maison particulière, M. et Mme Bouteiller, bons vieux, pleins de gentillesse et fabricants des gaufres, ce qui n’est pas du tout à dédaigner.

   20 février [répétition de la date] – Exercices de bataillon. Nous courons dans les champs, formations d’approche ; vagues, que sais-je ? Que c’est bête la guerre.

   21 février – de l’eau, toujours de l’eau, quelle boue,  quelle saleté !

   22 février – Manœuvre de Régiment dans les plaines entre Condé et Monchevret. Une bonne suée de plus de prise. Comme repos, ce n’est pas le rêve. Si ce n’était pas repos, que serait-ce ?

   23 février – Manœuvre de Division ; quel brouillard, on ne se voit pas à 25 mètres. Nous voici à Pargny-sur-Dhuis [Pargny-la-Dhuys] à 10 kilomètres de Montmirail. Partis à 4 heures du matin, nous revenons le soir, vannés à 4 heures de l’après-midi.

   24 février – Repos et service religieux pour les morts du régiment. J’y vais, c’est un devoir. Le « Caïd » revenu d’avant hier est gentil : il me donne la permission de l’après-midi. Deviendrait-il plus civilisé, espérons-le ?


Albert Hénault est en permission : du 25 février au 10 mars 1917.

samedi 4 février 2017

Pontavert-Baulne - 6 au 9 février 1917

Déplacement : du 6 au 9 février 1917 :

de Pontavert à Baulne-en-Brie.




   6 février – Me voici en panne. Comme je l’avais prévu, ma cantine et mes sacs sont ici et mon bataillon est à Ventelay, heureusement que le ravitaillement du 31e qui nous remplace, regagne cette localité ce soir. L’accident va être réparé. Ce matin, visite du secteur de Beaumarais avec mon successeur M. Chaumel.
   7 février – Départ de Pontavert. Le vent cingle sur le canal en passant ; je le longe seul. Mon vieux Pontavert avec ses batteries de 75, que vas-tu prendre ! Veine ! Une voiture médicale passe. Hep ! Arrêt, installation et arrivée à Roucy.
   J’arrive à Savigny S/Ardre et vais déjeuner. Cette localité n’a pas changé : telle elle était en février 1916, telle elle est maintenant. Aucun changement ! La guerre n’y paraît pas ! Le Maire est toujours resté Maire !
   Bon repas ! Ensuite départ pour Lhéry ! Le régiment doit y être ! 7 heures du soir ! Je nage et suis gelé. Lhéry et patelins environnants tourbillonnent. Enfin, retour à la Cie avec connaissance des baraquements de Lagery. Oh ! vilaine nuit. A 2 heures, glacé, gelé, je me lève pour me réchauffer. Je cueille un bon rhume !

   8 février – Départ à 8 heures, il fait froid. Oh ! Certes ! 15 degrés . Direction Romigny, Olizy, Châtillon S/Marne et Port-à-Binson. Nous arrivons à 3 heures de l’après-midi. Un pont suspendu à passer nous fait attendre sur le terrain deux bonnes heures ! Nous profitons de ce laps de temps pour faire la grand halte et repas ;  jamais je n’ai eu aussi froid, pain gelé, vin de même. Quel désastreux casse-croûte !!!
   Le commandant Coulais nous prévient qu’à la pose nous serons très mal cantonnés. Mauvais présage qui ne se réalise pas, heureusement. Nous logeons à Port-à-Binson.

   9 février – Départ à 8 heures. Il fait un froid glacial, surtout un vent qui cingle la face.
   Nous passons à La Chapelle-Montholon, quelle vilaine côte, nos poilus n’en peuvent plus. Heureusement que le Colonel fait vibrer ses cuivres. Une marche entraînante les remet d’aplomb. Nous arrivons à Baulne [Baulne-en-Brie] à 1 heure de l’après-midi.

samedi 21 janvier 2017

Pontavert - 21 janvier au 5 février 1917

Du 21 janvier au 5 février 1917 :

Buttes de l'Edmond, puis Major de cantonnement de Pontavert.



   21 janvier – C’est aujourd’hui jour de relève. La compagnie Bourguignon vient nous relever.
   Où nous allons ce n’est pas le rêve. La Butte Edmond est souvent canardée. Enfin, nous pourrions nous déchausser et nous reposer un peu mieux.
   5 heures du soir. Je reste passer la nuit avec la Compagnie qui nous remplace. Ce n’est pas le filon ; surtout que l’ordonnance m’a tout emporté, couvertures, chaussures etc. Mauvaise nuit à passer. Tant pis, c’est la guerre ! Nous goûterons mieux les meilleures nuits lorsque nous serons au repos.

   22 janvier, 9 heures du matin – Je suis littéralement gelé, aussi je me lève à cette heure. Je vais écrire, faire des lettres, l’esprit étant occupé, je serai mieux et aurai moins froid.
   Il neige à plein temps. De gros flocons voltigent, drus et épais. J’arrive à l’Edmond à 9 heures et demie, tout blanc et presque gelé. Heureusement que les camarades Godeau et Polyte nous ont fait du feu.
   8 heures du soir - Je reçois une dépêche officielle ainsi conçue « Colonel à Commandant des Buttes » Veuillez inviter le S/lieutenant Hénault à se présenter après souper au P.C.D. [Poste de Commandement Divisionnaire]. Je le désigne comme « major de cantonnement » de Pontavert, de Beau-Marais etc. etc. » Allons bon, est-ce un filon ? Je ne le crois pas. Ce qu’il y a de certain, c’est que me voici encore changé de Compagnie. Alors, visite au Colonel, au commandant de Pontavert, à mon prédécesseur ; enfin, je rentre à l’Edmond, il est minuit. Quels avatars et quelles tribulations.
   23 janvier - Lever à 8 heures moins le quart, je casse la croûte, et en route pour mes nouvelles fonctions. Je prends les consignes du successeur et me rends au P.C. de la 69e D.I. à Roucy.

   24 Janvier – Mon nouveau métier ne va pas tout seul. Les consignes m’ont été mal passées, bref « je nage » comme on dit militairement. Je ne sais au juste, ni ce que je dois faire ni la limite de mon secteur. Me voilà tout à fait embêté.
   Résolution énergique : je vais demander des éclaircissements à la Division à Roucy. J’y suis très bien reçu. Je reviens satisfait mais vanné.
   15 heures. Quel vacarme ! Lutte d’Artillerie du coté de Berry-au-Bac ; ça n’arrête pas. Crapouillots et mines. 75 et 77, 105, 155, 210, tous les calibres se mettent de la partie.


   28 janvier – Quel vent, quelle bourrasque ! La poussière sur la route en tourbillons effrénés vous abasourdit. Tournée Pontavert, Platrerie, Chaudardes. Rien à signaler ! Si, le brave 327e quitte son cantonnement et y laisse le feu ! Me voici alors transformé en chef de pompiers. J’ai le casque, la pompe, il ne me manque plus que la lance. Onze obus nous ont encore arrosés ce matin. Ces sales boches redoutent certainement quelque chose ! Nous sommes en pleine offensive en ce moment. On ne parle que de cela ! On va attaquer ici, là ! On veut en finir.
   J’ai fait connaissance d’un brave lieutenant de Mitrailleurs C.M.P.158*, cela veut dire [Compagnie de] Mitrailleuses de Position n° 158. M. Pichery  [Blessé le 16 avril 1917 – MPF le 11 juin 1918 à Belloy (Oise)]. C’est un brave garçon. J’ai passé ce soir, avec lui, une excellente veillée !


   30 janvier – Il neige à flots, encore dix centimètres de neige au bas mot pour ce soir. Il fait en même temps froid et sombre, tout porte à la mélancolie. Ce matin, ma compagnie a eu certainement une émotion, un boche s’est constitué prisonnier au trou d’obus situé au centre 2. « Polyte »*** commandant la Compagnie par intérim a dû être heureux. Cela n’arrive pas toujours de faire un pareil chopin [de choper : attraper]. Un boche venant à vos réseaux et vous criant « Kamarads ». Je regrette presque d’être détaché ici. Ce n’est que façon de parler et à titre de curiosité !

   4 février – Les bruits de relève se confirment, quel déménagement. Attendons les événements. Il ne faut jamais être plus royaliste que le roi.

   5 février – Quel tintamarre. La division déballe. Déjà deux bataillons sont partis d’hier soir, le 4e et le 6e. Le mien part ce soir, à quelle heure vais-je rester en carafe, je ne sais ! Ce qu’il y a de sûr, c’est que ce ne sont qu’ordres et contre-ordres. Des notes pondues à chaque instant se détruisant mutuellement.
   9 heures 30 du soir. Les consignes n’étant pas passées je ne puis partir.

vendredi 6 janvier 2017

Tranchée Verdun et Broussilov - 7 au 21 janvier 1917

Du 7 au 21 janvier 1917 :

De nouveau aux tranchées.
Albert Hénault séjourne à la tranchée Verdun, puis Broussilov.


Carte de l'auteur (1/14.000)
   8 janvier 1917 – C’est fait ; nous voici installés dans notre nouvelle demeure. J’ai encore comme habitation un métro, on n’y voit pas clair en plein jour, toujours la lumière, quelle vie de taupe. Je suis avec ma section en première ligne, le secteur à garder est excessivement vaste, aussi dois-je emprunter des hommes à la section Barre.
   La flotte  tombe à verse. Pour un premier jour, c’est assez réussi.
   Les boches sont à 150, 80, 40 mètres de nous, selon les différents endroits. D’un créneau en fer, nous avons vue sur un de leurs passages. Quatorze boches, têtes carrées à calot plat, ont été signalés hier. Aujourd’hui j’ai fait le guet pendant près d’une heure, rien n’est venu. Je voudrais cependant jouir de l’impression !
   11 heures 15 - Mince, j’ai vu trois boches. Trois boches en liberté, en calot plat et capote bleue. Ils ont des sales bobines et ne se préoccupent guère de nous ; ils vont et viennent sans armes ; ça m’a eu l’air de bons vieux papas. Ce sont des Wurtembergeois. Ils montaient si vite le boyau que le dernier est tombé à quatre pattes, il s’est ramassé en l’espace d’un éclair. Il se sentait dans la zone dangereuse. Aujourd’hui des 77* boches ont arrosé le centre 6 et Denain. Nous avons été épargnés. Nous ne tenons aucunement à avoir l’honneur de recevoir leur camelote.

   10 janvier – Vilain temps froid et humide. Aujourd’hui j’ai vu une caravane : des petits ânes d’Égypte qui sont sur le front pour notre approvisionnement en vivres. Ils sont tout petits - grosseur des veaux moyens. Ils ont un bât portant deux paniers, un de chaque côté, sur leur dos. Un gros mène la bande, et un tout petit la ferme. Ce petit est si chétif, si maigrelet et cependant très hargneux. Son conducteur l’a surnommé le « Kaiser ». C’est tout à fait étrange de voir ces petits bourriquots passer dans les boyaux et les tranchées, faire le tour des parapets et des pare-éclats, tout comme un poilu. Les uns portent viandes et légumes, les autres des planches, du fil de fer, des ribards*, que sais-je ! Ils nous sont d’une utilité incontestable mais j’ai bien peur que le froid de nos pays nous prive de ces serviteurs à longues oreilles. Ce serait dommage.


   13 janvier 1917 – Changement de décors. Tout est blanc, parapets, tranchées, boyaux… sont recouverts de neige. Avec cela le temps en est changé. Sales mois d’hiver, passez vite. Que les longues journées d’été se montrent et nous amènent la fin.


   16 janvier – Il neige toujours. Le camarade Barre part en permission, heureux, cela se conçoit [blessé le 16 avril 1917 – il existe un  Marie-Joseph, sous-lieut. Au 49 R.I., MPF le 11 juin 1918.] A 9 heures, notre 75 tire en avant de nos lignes à 45 mètres du saillant de Verdun. Trois obus tombent, deux dans les lignes boches et un trop court, au beau milieu de notre petit poste. Le caporal Ayot l’échappe belle, il s’en tire avec quelques égratignures. Ce sont les effets inévitables, très rares cependant, de notre 75.

   17 janvier – Quelle ondée de neige, des gros flocons en rafales s’abattent sur nos tranchées. Sentinelles, guetteurs, officiers de quart, tout est blanc. Nos innombrables réseaux de fil de fer barbelés sont vêtus d’un manteau d’hermine et sont d’un effet vraiment féerique.

   18 janvier – Nos « crapouilloteurs » de la Sapinière nous préviennent que, voulant régler leurs tirs, ils vont être obligés de lancer des torpilles sur le nez du boche. Nous prenons nos précautions ; à 9 heures 30, vingt torpilles s’écrasent chez les boches. Ces derniers nous répondent par quinze obus de 77 et de 105. La joute se termine à midi et tout rentre dans le calme.

   19 janvier – Une grosse nouvelle. Nous préparons une attaque dans notre secteur. Vingt-cinq kilomètres de front, Vauchère, Craonne, Bois des Buttes et cote 108. Nous faisons partie des vagues de la cote 108 ; pour quand ? Nul ne le sait. Les coloniaux sont à Fismes. Une autre attaque se prépare du côté de Soissons.

A noter : A la date du 19 janvier, Albert Hénault fait déjà allusion, par écrit et dans ses carnets, de l'offensive Nivelle, telle qu'elle sera lancée le 16 avril 1917 (Vauchère, Craonne, Bois des Buttes et la côte 108 (Berry-au-bac).


dimanche 1 janvier 2017

La plâtrerie - du 1er au 6 janvier 1917

Du 1 au 6 janvier 1917 :

Au repos à La plâtrerie.




   31 décembre 1916 - Nous quittons l’ouvrage Austerlitz sans beaucoup de regrets. Les boyaux Roubaix, Hazebrouck, St Quentin, Tourcoing, nous laissent assez froids ; car en ce moment ils sont pleins de boue et d’eau jaunâtre, sale et collante. On se dirait transportés en pleine région Lilloise avec ces noms-là. 
   1er janvier 1917 – Voici la nouvelle année ! Année de la victoire et de la paix. Espérons-le !
   Me voici arrivé dans un nouveau séjour de repos ! Oh ! Ce n’est pas du tout banal. Aujourd’hui je loge dans une plâtrerie.
   3 janvier – Temps effrayant. Vent d’une violence extrême ; c’est l’hiver. Je tire aujourd’hui quelques photos au bromure ; cela va me distraire.
   5 janvier – Il a fait aujourd’hui soleil, tout à fait exceptionnellement. J’en ai profité pour tirer quelques photos. Nous sommes allés reconnaître notre nouveau secteur. Tout à côté de Villars. Le coin n’est pas très bon, il y en a si peu de bons, qu’on peut les compter.
   6 janvier 1917 – Toujours pluie, eau, et toujours à Pontavert. La Platrerie, beau séjour, comparativement aux tranchées, qui va se terminer.
   7 janvier – Oh ! Branle-bas, remue-ménage, nous déballons aux tranchées Verdun et  Broussilov.